Yukio Mishima

KURAMOCHI – Regarde ! ce sont des photos de Mito Mitsuko, notre grande actrice.

TODA – Les femmes, ça n'a aucun intérêt si on ne peut pas coucher avec !

KURAMOCHI – Peut-être, mais moi, je ne peux pas aimer une femme réelle, en chair et en os. Au cas où je devrais partir à la guerre, une vraie femme pleurerait et hurlerait, ça me rendrait malheureux, c'est sûr. Alors qu'elle, (il saisit une photo) même si je reçois mon ordre de mobilisation, même si je meurs, elle continuera à sourire de la même façon. Pour moi, c'est plus simple comme ça.

OMURA – Ne sois pas si sentimental ! Rien ne dit que tu vas mourir. Il se pourrait tout à fait qu'ici ce soit complètement détruit et que toi, tu sois le seul survivant. En plus, tu est envoyé à Nagano, c'est ta région natale, non ? Alors, vas-y comme si tu partais te réfugier à la campagne ! Okinawa est déjà tombée, aucun risque que tu sois envoyé dans une région inconnue.

KURAMOCHI – Facile à dire pour toi, tu n'es pas à ma place !

HAYASHI – Je vais te donner un porte-bonheur. Il marche étrangement bien. Une balle de mitraillette l'a touché, il a fait le tour de mon corps et il est tombé dans mon pantalon, tu te rends compte ?!

KURAMOCHI – Merci. (il regarde toujours les photos de l'actrice) Même si je reçois un ordre de mobilisation, même si je meurs, elle continuera à sourire. Même si cet endroit brûle, même si ce porte-bonheur est pris par le feu, au milieu des flammes, elle, elle sourira. Je vais la brûler moi-même.

TODA – La brûler ? Vas-y, brûle-la. Comme ça, tu n'auras aucun regret.

KURAMOCHI – Eteignez la lumière.

Kuramochi gratte une allumette et brûle les photos une à une.

KURAMOCHI – Regardez... Elle sourit. Même si ses cheveux brûlent, elle sourit en montrait ses belles dents encore blanches... Son front brûle. Ses yeux souriants brûlent. Elle sourit toujours... Comme je l'imaginais. Même si ce dortoir brûle, même si les flammes encerclent la boite à photos, à l'intérieur, elle sourit encore.

HONDA - … Elle sourit encore.

TODA – Les femmes, c'est comme ça !

KURAMOCHI – Regardez ! La seconde photo s'est redressée dans le feu. Elle me regarde, non ? Oh, elle m'a regardé et elle a souri. Le feu a atteint son cou... Il ne reste plus que ses yeux...

Jeunesse, lève-toi et marche !