« Le bonheur est une longue patience » (Jean Cocteau)

Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite. Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite. Il va filer.

On peut réellement se demander aujourd'hui si le bonheur est toujours dans le pré, alors que les herbicides ont rendu si périlleux le moindre déjeuner sur l'herbe.

Dans les années 60, on nous a affirmé que le bonheur est dans le prêt. Il fallait absolument acheter à crédit. Une voiture, une machine à laver, un téléviseur, tout à crédit. D'ailleurs, pour une voiture, comment faire autrement ? Mais du bonheur d'emprunter on est passé au drame du surendettement.

Aux premières rencontres amoureuses, on se disait aussi que le bonheur était dans le près. Toujours plus près...Charles Trénet chantait :

Près de toi mon amour
Tout est bleu comme dans un songe
Tout est pur près de toi mon ange
Près de toi le ciel est moins lourd.

Seulement quelques années plus tard, il a fallu se faire une raison et se serrer d'un peu moins près : le bonheur était dans le pré-servatif.

Aussi on retourne, nostalgique, aux vers de Paul Fort :

Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite. Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite. Il va filer.

On s'imagine déjà une bonne heure, un bonheur, un bon temps où on pouvait se rouler dans l'herbe grasse. (C'est à cette époque qu'Alphonse Allais écrivait ! « On devrait construire les villes à la campagne, l'air y est plus pur »). Et voilà qu'on apprend que ce poème, écrit en 1917 par le Prince des Poètes, évoque en réalité les soldats de la Grande Guerre, les Poilus, qui sautent non par dessus la haie, mais en dehors des tranchées sous le flot des balles ennemies.

C'est encore loin le bonheur ?

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