Quel retournement de situation, p*** de Bon Dieu !

Toute la sainte journée, à la moindre contrariété, il hurlait : « Putain de Bon Dieu ». Des dizaines et des dizaines de fois par jour, il jurait ainsi révoltant les voisins qui ne pouvaient pas ne pas l’entendre dans leurs jardins tant sa voix portait. Pour lui, c’était devenu un simple réflexe quand ça n’allait pas comme il voulait. Son genou heurtait une chaise sur le passage : putain de bon dieu. Une poule ne rentrait pas à l’heure dans le poulailler : putain de bon dieu. Le facteur n’apportait pas le colis attendu : putain de bon dieu. Il y avait bien sûr quelques variantes du genre : bon dieu de cul, bon dieu de chiasse. Quand l’énervement était à son maximum, on pouvait arriver à putain de bon dieu de merde. Notons aussi que la proposition était réflective et commutative puisqu’on pouvait entendre des bon dieu de putain. Mais en général il s’en tenait fidèlement à cette formule qui avait fait ses preuves : putain de bon dieu.

Sa foi en Dieu avait disparu depuis longtemps, d’après ce qu’il disait. Pourtant ce juron montrait bien que Dieu tenait encore une petite place dans son existence. Et puis, la vieillesse venue, il ne cessa ses imprécations, bien au contraire, mais l’idée que la mort allait peut-être bien se pointer faisait son chemin.

Un soir, après quelques verres de cognac, il se dit tout à coup : « Et si Dieu existait, putain de bon dieu ? » Bien sûr, il ne remettait pas en cause son athéisme, enfin disons son manque de foi en l’existence divine. Mais un doute s’insinuait dans son esprit. Il ne voulait pas croire toutefois à toutes ces sornettes de paradis avec des anges au cul rose et d’enfer avec des diables à fourchettes. Mais il se disait tout de même que tous ces putains de bon dieu feraient mauvais effet. Il essayait d’en faire le décompte. Alors, disons, à raison de cinq ou six putains de bon dieu par jour, depuis quarante ans pour faire une moyenne, on arrivait au total de 83 000 ou de 97 600 putains de bon dieu… Sûrement qu’il dépasserait les cent mille avant de crever… Ca fait beaucoup même pour le dieu débonnaire sur lequel il comptait.

Et puis un jour, il trépassa après une attaque brutale qui ne lui laissa que le temps de dire putain de bon dieu. Aussitôt, il fut emmené de force devant un grand tribunal céleste. Ca y est, se dit-il, je vais prendre cher. Il fut poussé sans ménagement au centre de l’assemblée. Mais qui sont tous ces gens ? Des anges dont on voyait les fesses roses... Il s’effondra en hurlant : pitié mon Dieu ! Et tous de rire. Sadique le royaume des cieux ?

Une grande prêtresse prit la parole : Mon pauvre ami, tu ne sais pas encore que dieu n’existe pas. Pourtant tu as vécu sans y croire vraiment, sauf dans les derniers moments pour le cas où. Mais alors, dit-il, si Dieu n’existe pas, qu’est-ce que je fais ici ? Tu es devant la Grande Assemblée des Putains que tu as insultées toute ta vie en nous associant à ce bon dieu à tort et à raison de cinq ou six fois par jour. Nous sommes ici pour statuer sur ton sort. C’est alors qu’il découvrit que des milliers de prostituées l’entouraient. Il y en avait pour tous les goûts, mais toutes portaient une grande cape noire qui recouvrait que les épaules et laissaient découverts fesses, seins et sexe. Il attendait le châtiment avec résignation. Ces femmes savaient l’art de faire jouir jusqu’à la souffrance, à l’inverse de Dieu qui connaît l’art de faire souffrir jusqu’à la jouissance d’après ce que disent les grands mystiques.

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