Comment
le christianisme a assassiné la culture
L'historienne
britannique Catherine Nixey détaille dans « L'âge de la
pénombre » la rapide destruction du monde antique par les
mains du fanatisme religieux.
On
parle d'atrocités en voyant les statues de Palmire décapitées.
Leurs yeux de marbre ont vu avec horreur comment des hommes barbus
vêtus de noir se sont lancés sur elles au prétexte qu'ils ne
partageaient pas cette croyance. Et les attaques récentes des
jihadistes comme des édifices culturels ont fait également frémir.
Mais ce n'est rien en comparaison de ce que, il y a quelques siècles,
la nouvelle religion, chrétienne cette fois, a fait subir à toutes
les œuvres d'art qui n'étaient pas de leur goût. Ils ont tout
détruit à coups de fanatisme et de terreur.
« Durant
les quatrième et cinquième siècles, la foi chrétienne a démoli,
détruit et fait fondre une quantité ahurissante d'oeuvres d'art »
explique l'historienne et journaliste du Times, Catherine Nixey, qui
vient de publier le livre « L'âge de la pénombre »
(pour l'instant disponibles en anglais et en espagnol) avec
l'objectif d'apporter la lumière sur un des épisodes les plus
obscures de l'histoire : comment le christianisme a triomphé en
exterminant beaucoup plus que la culture classique, imposant un
nouveau modèle qui reposait sur la foi et qui condamnait la
connaissance.
« Le
christianisme avait aussi des aspects positifs dans son idéologie »
justifie l'auteur, « mais son triomphe fut aussi celui de
l'ignorance et du fanatisme. Quelque chose qui ne fut possible que
grâce à un mélange de lois, de rhétorique et de violence. Au
cours du quatrième siècle notamment, celui qui faisait un sacrifice
aux anciens dieux pouvait, selon la loi, être exécuté. »
Ayant
la loi avec eux, les penseurs chrétiens attisèrent la flamme de la
terreur. Saint Augustin, par exemple, vitupéra : « Que
toutes les superstitions des païens disparaissent de la surface de
la terre, c'est ce que veux Dieu, c'est ce qu'Il ordonne, ce qu'Il
proclame ! Ce n'est pas de la cruauté, mais au contraire
un acte de bonté de détruire à coups de bâtons et de fouets ceux
qui ont des croyances incorrectes ». Finalement la violence fut
extrême, raconte Nixey. Dans la ville de Harran, ceux qui refusèrent
de se convertir furent exécutés et démembrés pour qu'on accroche
des morceaux de corps dans la rue. La pensée libre peut
difficilement survivre dans un tel monde.
L'auteur
a réalisé un grand travail pour dénombrer les œuvres d'art que
perdit l'humanité aux mains de la barbarie chrétienne. On peut
citer, parmi les plus emblématiques, les statues du Parthénon à
Athènes et les sculptures du temple égyptien de Dendera, dédié à
la déesse Hathor. Le plus beau temple du monde, le Sérapis
d'Alexandrie, fut rasé sur ordre de l'évêque Théophile, de même
que fut perdu le Museion, le temple dédié aux muses. La liste est
interminable. « Cette période fut celle de la plus grande
destruction d'art de toute l'histoire humaine depuis Antioche
jusqu'en Espagne ».
Le
physicien italien Carlo Rovelli estime que la perte de toutes les
œuvres du philosophe grec Démocrite fut « la plus grande
tragédie intellectuelle causée par ce fanatisme ». Ce penseur
et mathématicien grec disait qu'il n'y avait pas à craindre les
dieux parce que le monde est fait d'atomes, que tout ce que nous
voyons et sentons sont des atomes qui s'unissent et se séparent.
Toutes ses œuvres furent brûlées.
statue d'Aphrodite défigurée par une croix
(Art Institute Chicago)
« En
ce qui concerne la culture, jamais nous ne pourrons récupérer ce
qui a été perdu » résume l'historienne britannique. Elle
estime que 90% de toute la littérature classique de l'époque ont
disparu dans les siècles qui ont suivie la christianisation. Le
fameux bûcher des vanités de Savonarole pendant la Renaissance est
une aimable plaisanterie à côté du savoir qui disparut pour
toujours dans les flammes attisées par les chrétiens qui
prétendaient envoyer en enfer la connaissance classique.
Mais
toutes les œuvres ne furent pas réduites en cendres. Ainsi des
parchemins exceptionnels furent grattés et raclées pour qu'on
puisse y imprimer des cantiques à la Sainte Vierge, ironise Nixey.
C'est ainsi que Saint Augustin écrivit ses commentaires aux psaumes
sur l'unique exemplaire de « Sur la république » de
Cicéron. Autre exemple : une œuvre unique de Sénèque fut
effacée pour qu'on y copie l'Ancien Testament. « Mais pour
moi, la plus grande perte est plus intangible : dans notre façon
même de nous exprimer et de penser, il y a quelque chose qui a été
cassé par cette religion intransigeante » explique Nixey.
Au
fanatisme, il faut ajouter la grande stupidité de ces persécuteurs
chrétiens. Ainsi toutes les voix non conformes furent réduites au
silence, comme celle de la fameuse mathématicienne Hipatia
d'Alexandrie écorchée vive. Les chrétiens croyaient que c'était
une créature satanique simplement parce qu'elle utilisait des
symboles mathématiques qui leur semblaient « d'apparence démoniaques ».
Hipatia d'Alexandrie
Peu
après, on lança les grandes persécutions contre les philosophes
non chrétiens. Comme il fallait s'y attendre, la philosophie diminua
précipitamment, ironise l'auteur en rappelant qu'une des pertes les
plus irréparables fut la destruction de tout ce qui restait de la
Grande Bibliothèque d'Alexandrie.
Ainsi
donc, les coups portés par la christianisme frappèrent sans pitié
les fondements de la civilisation connue jusqu'alors pour sa qualité,
dont la faiblesse était le pluralisme. Le monde classique fut réduit
en miettes. Sur ces ruines, le Christianisme érigea son nouveau
monde, élevant des églises de marbre à la place des temples
détruits. L'histoire est écrite par les vainqueurs et la victoire
chrétienne fut absolue, conclut Nixey.
Et
elle ne parle même pas de toutes les atrocités et violences, de
toutes les destructions, crimes et exterminations que commirent ces
mêmes chrétiens sur tout le continent américain du nord de
l'Alaska au sud du Chili.
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