Felipe Ehrenberg
Dessinateur et peintre né au Mexique en 1943, Felipe Ehrenberg fut aussi éditeur, essayiste, professeur et activiste. Il est considéré comme l’un des précurseurs de l'art conceptuel et de la performance dans le Mexique des années 1970, et il a été l’un des cofondateurs de la maison d’édition indépendante Beau Geste Press à laquelle le CAPC de Bordeaux a consacré une exposition du 2 février au 28 mai 2017. Il est mort le 15 mai 2017 à Cuernavaca.
Voilà ce qu'écrivit alors son ami l'écrivain Fernando del Paso :
J'ai
connu Felipe Ehrenberg à Londres, au début des années 70. Il me
semblait que c'était vraiment quelqu'un de très intéressant. Il
avait alors 29 ans, mais il paraissait beaucoup plus jeune. Il était
aussi très charismatique, grand, avec de longs cheveux et une grosse
moustache à la Zapata ; il parlait un anglais parfait. C'était
un extraordinaire dessinateur, mais il s'intéressait à tout :
performances, livres conceptuels, et à tout ce qui était nouveau.
Je lui ai dit un jour qu'il était un néologue et cela lui a plu. A
Londres, il fit partie du mouvement Fluxus. C'était le seul Mexicain
à participer à un mouvement de cette ampleur. Il fit à ce
moment-là des pièces fantastiques et notamment sa fameuse A
date with fate at the Tate où
il arriva la tête couverte d'un masque. Il essaya d'entrer ainsi,
mais on ne le laissa pas passer. Felipe enregistra toute la
conversation qu'il eut avec le gardien du musée et c'est réellement
fascinant.
Au
milieu des années 70, Felipe rentra au Mexique et moi je suis resté
encore quelque temps en Europe. La vie nous a séparés. Nous nous
sommes revus de temps en temps, mais nous étions moins
proches.
Felipe, pourquoi es-tu parti ! Sans même que nous prenions un verre ! Quand nous nous sommes connus, tu n'étais qu'un petit morveux. Je me souviens avec une grande intensité du voyage au LSD que nous avons fait, les images que j'ai vues alors réveillèrent en moi le désir de peindre et l'exaltation que cela a provoqué est encore vive aujourd'hui. Je te dois de m'avoir entraîné. Jamais je n'ai répété cette expérience ; je n'ai jamais repris la moindre drogue. Cela aurait été d'essayer de refaire ce qui est impossible à revivre. Personne ne peut se regarder dans une glace et dire : « Je suis Felipe Ehrenberg ». Seul toi, tu avais le droit de le dire. Je ne te dis pas adieu, je te dis "Ahí nos vidrios"*.
Felipe, pourquoi es-tu parti ! Sans même que nous prenions un verre ! Quand nous nous sommes connus, tu n'étais qu'un petit morveux. Je me souviens avec une grande intensité du voyage au LSD que nous avons fait, les images que j'ai vues alors réveillèrent en moi le désir de peindre et l'exaltation que cela a provoqué est encore vive aujourd'hui. Je te dois de m'avoir entraîné. Jamais je n'ai répété cette expérience ; je n'ai jamais repris la moindre drogue. Cela aurait été d'essayer de refaire ce qui est impossible à revivre. Personne ne peut se regarder dans une glace et dire : « Je suis Felipe Ehrenberg ». Seul toi, tu avais le droit de le dire. Je ne te dis pas adieu, je te dis "Ahí nos vidrios"*.
*Ici
Fernando del Paso emploie une expression typiquement mexicaine qui
signifie : à plus, salut. C'est la déformation d'une formule
plus courante : « Ahí nos vemos » ou « Ahí
te ves » qui est une façon de se dire au revoir très courante
dans les années 90, moins employée aujourd'hui chez les jeunes.
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