Ramon Lopez Velarde
Né à Zacatecas en 1884, et mort à Mexico en 1921, durant sa courte vie (33 ans) il fut avocat, journaliste, enseignant, et publia simultanément trois recueils de poésie. Dans le dernier d’entre eux, édité après sa mort, se trouve La Suave Patria (la Douce Patrie), un long texte épique, lyrique, composé à l’occasion du premier centenaire de l’Indépendance du Mexique.
Ce texte est considéré aujourd'hui comme le “Poème National” du Mexique, et étudié régulièrement dans les écoles.
Ma cousine Agueda
Ma marraine invitait ma
cousine Agueda
à passer avec nous la
journée
et ma cousine apparaissait
avec son prestige
contradictoire d'amidon
et son redoutable
deuil solennel.
Agueda arrivait toute
bruissante
d'amidon, et ses yeux
verts et le teint vermeil de
ses joues
me protégeaient de ce deuil
effrayant...
Je n'étais qu'un petit
garçon
qui savait reconnaître la
lettre O à sa rondeur,
et Agueda, qui tricotait
douce et persévérante sous
les arcades
sonores, faisait naître en
moi
des frissons ignorés...
(Je crois même que je lui
dois cette habitude
héroïque et délirante de
parler seul.)
A l'heure du repas, dans la
pénombre
paisible de la table,
j'étais charmé par le
fragile tintement
intermittent de la vaisselle
et par le timbre caressant
de la voix de ma cousine.
Agueda était
(deuil, pupilles vertes et
joues vermeilles)
une corbeille polychrome
de pommes et de raisins
sur l'ébène d'une desserte
chargé d'ans.
Le sang dévot, 1916
traduction de Claude
Couffon
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