Víctor
Hugo Rascón Banda naît en 1948 à Uruáchic.
En
1979 il écrit sa première oeuvre de théâtre Voces
en el umbral (Voix
sur le seuil), texte novateur qui retrace la vie de deux femmes, une
allemande et une tarahumara. Los
ilegales
(Les illégaux), la première de ses pièce créée sur scène,
marque le début d'une carrière caractérisé par le succès auprès
du public ainsi que par la reconnaissance de la critique et de
l'université. Grâce à ses oeuvres de théâtre il reçoit
plusieurs prix nationaux et internationaux: Ramón López Velarde
1979, Théâtre Notre Amérique 1981, Juan Ruiz de Alarcón 1993 et
Rodolfo Usigli 1993. Récemment la médaille "Xavier
Villaurrutia", lui a été remise par la communauté artistique
du pays en reconnaissance de son parcours, à l’instigation de
l'Institut National des Beaux Arts et du Conseil National pour la
Culture et les Arts. Dans Tabasco
negro, il plante son décor en plein champ pétrolifère...
Il est sept heures du soir. Le
bureau de l'ingénieur est dans la pénombre. Par la baie vitrée, on
voit la ville qui commence à s'illuminer. L'ingénieur entre et
allume la lumière. Il enlève son blouson. Il met en marche le
téléviseur et y insère une cassette-vidéo. De bout, il regarde la
vidéo. Sur l'écran apparaît, en interview, le docteur Enrique
Semo, un chercheur du Collège de Mexico.
CHERCHEUR – Nous
les Mexicains, nous sommes les vrais propriétaires du pétrole, de
PEMEX et des entreprises pétrolières du pays. En termes légaux,
nous sommes les actionnaires de toute l'industrie du pétrole.
Prendre la décision de privatiser la pétrochimie, sans la volonté
expresse ou au moins l'accord de la majorité des Mexicains, pose la
question de la légitimité de cette acte.
Nous, les
Mexicains, nous avons le droit qu'on nous explique les raisons pour
lesquelles les uns veulent privatiser la pétrochimie et les autres
veulent la laisser aux mains de l'Etat.
Cette décision
doit être soumise à l'approbation de ceux qui sont les vrais
propriétaires du pétrole, c'est-à-dire nous tous. Pour cela, nous
demandons l'organisation d'un référendum.
L'INGENIEUR –
Quel crétin...
(…...................................................................................................................................)
LOLA – Nous
vivions à San Eligio. Sur notre commune passaient au moins quinze
énormes tuyaux de la FEMEX. Un soir de Noël il y a quatre
explosions en moins de vingt minutes. Huit années plus tard, encore
une autre explosion et au moins neuf personnes ont été tués.
Partons d'ici, j'ai dit à mon mari ; on va tous cramer ici.
Mais lui, il ne bougeait pas. Et où allons-nous aller ? Et puis
j'ai mon travail ici. Le jour de notre malheur, il était du matin.
Mon mari et mes enfants, Lenchito, Lolita et Maria, nous vivions dans
une petite maison prés du ruisseau. Les chiens aboyaient comme s'ils
avaient un pressentiment. Ils m'ont donné envie de pisser et je me
suis approchée du ruisseau. D'un seul coup le ciel s'est illuminé.
Que se passe-t-il, Sainte Vierge, j'ai pensé. Tout s'allumer comme
si on était en plein jour. Et ensuite, on aurait dit des coups de
tonnerre. Je suis tombée et j'ai perdu connaissance. Je me suis
réveillée plusieurs jours plus tard à l'hôpital ; j'étais
brûlée de partout. Où sont mon mari et mes enfants, j'ai demandé,
mais personne ne m'a répondu. Quand j'ai été mieux, l'ingénieur
m'a ramenée chez moi. Mais sur la route, je n'ai rien reconnu. Nous
avons dû nous tromper de route, j'ai dit. Non, non, a dit le
chauffeur. Mais alors où est ma maison ? Où sont les animaux ?
C'était une désolation complète. J'ai cherché pour retrouver au
moins quelque chose à nous, une sandale de mes enfants, le chapeau
de Lencho, la Vierge qui nous protégeait. Mais tout, arbres, champs,
maïs, haricots, tout était transformé en cendres.
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