Bétonneuse ou bétonnière?

Récemment à Iasi, le juge a demandé au promoteur immobilier pourquoi il avait construit un immeuble avec quatre étages en plus de ce qui est autorisé, il lui a été répondu que c'était parce que les ouvriers n'arrivaient pas à arrêter la bétonnière.
Nous imaginons et même visualisons la scène :

  • Marian, tu sais comment on arrête la bétonneuse ?
  • Lucian, toi tu dis : « bétonneuse » ? Moi, j'ai toujours entendu dire « bétonnière ».
  • Demande à Ionuț, il a un oncle ingénieur.
  • Oui, mais la question n'est pas là, les gars, je demande comment on fait pour l'arrêter. On a fini l'immeuble et ça continue de tourner.
  • Et pourtant elle tourne, disait Galilée en 1633.
  • « Et pourtant elle tourne », prononcée, dit-on, par cet homme brisé, renvoie au martyr de l'intolérance, à la démonstration de la concorde impossible entre la science et l'Écriture sainte.
  • Le mot bétonneuse est parfois employé à la place de bétonnière, mais il s'agit d'un barbarisme. J'ai regardé dans Wikipedia.
  • Je vous pose une question simple, pratique, et tout ce que vous êtes capables de me répondre, c'est de me traiter de barbare !
  • Tant qu'on a du sable, on continue.
  • De toute façon, le toit n'est pas prêt.
  • Oui, un étage supplémentaire, c'est toujours utile, ça servira de grenier.
  • Très juste, moi, j'en ai pas, et pourtant ça me serait bien utile pour ranger mes cartons.
  • Un étage, bon, admettons. Mais moi, j'aimerais quand même rentrer chez moi. Puisqu'on a fini... Mais comment on peut arrêter cette satanée bétonneuse.
  • Bétonnière, on te dit. Fais gaffe, voilà l'ingénieur, l'inspecteur des travaux finis.
  • Hola, compagnon ! Où en êtes-vous de la besogne ? C'est un peu hardi cette construction, non pas ?
  • Ouais, mais c'est parce qu'en fait on ne sait pas si on compte les étages à partir du rez-de-chaussée comme en Russie, ou à partir du premier étage.
  • Et puis surtout on ne sait pas comment arrêter la bétonneuse...nière.
  • Vous savez, c'est une machine qu'on a toujours du mal à mettre en route, alors ça nous fait mal au cœur de l'arrêter.
  • Et puis il y a ce joli bruit, si agréable à l'oreille. Quand je ferme les yeux, j'ai l'impression d'entendre le roulis de la mer... Surtout les pieds dans le sable...
  • Moi, je suis fasciné par ce mouvement rotatif qui est tout à fait du même acabit que les fameux rotoreliefs de Marcel Duchamp. L'oeil ne peut que se perdre, abîmé, absorbé par cette machine célibataire.
  • Célibataire, peut-être, mais en ce qui me concerne, pardonnez-moi, c'est une vision érotique fantasmagorique : ce vagin qui bave et la pelle qui le titille régulièrement. Avouez qu'il faut un esprit mal tourné pour y voir autre chose.
  • C'est aussi une très belle image de la mort, de la fin du monde. Un maelström effrayant qui emporte la planète dans une chute sans limite astrale.
  • Bon, d'accord. Il y a combien d'étages en trop ?
  • Quatre, Monsieur l'ingénieur.
  • C'est bon, on peut arrêter là.
  • Oui, mais comment on fait ?
  • Simple. Vous la débranchez.
  • Si on m'avait dit tout de suite que ça marche à l'électricité...



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