Le monde selon les
créationnistes
La Terre a six mille ans et
pas un de plus, expliqua le patriarche pendant que l'assemblée
studieuse prenait des notes. Alors il ne faut pas nous raconter que
la planète existe depuis des millions d'années. Il y a de nombreux
mensonges divulgués par la science. D'abord la théorie du big bang,
car si l'univers a pu être créé par une explosion incroyable, eh
bien, il n'y a que Dieu qui pouvait la produire cette explosion
incroyable. Si c'était juste une explosion croyable, je veux bien
que ça puisse venir de la croûte terrestre, comme l'éruption d'un
volcan par exemple. Mais un big bang, une explosion à tout casser,
on ne peut y voir que le doigt de Dieu évidemment. Considérer la
théorie du big bang comme fiable et indiscutable revient à croire
qu'en aspergeant une toile de peinture, vous finirez par obtenir La
Joconde. Il y a forcément un grand architecte derrière l'être
humain.
Un autre mensonge
caractérisé, c'est la théorie fumeuse de l'évolution, qui repose
sur des suppositions, et non des preuves démontrables. En outre,
c'est oublier que Darwin (rien qu'à l'écoute de ce nom, il y eut
dans l'assistance un frémissement général et quelques sifflets),
c'est oublier, dis-je, que le sieur Darwin était franc-maçon. Et
qu'est-ce que la franc-maçonnerie sinon une secte satanique? Nous
voyons la science d'un bon œil, mais uniquement lorsqu'elle s'adapte
à la Bible et non l'inverse.
Alors maintenant on me parle
des dinosaures qui auraient vécu il y a 75 millions d'années.
D'abord, ils ont disparus, morts, enterrés et malheureusement
déterrés pour qu'on leur fasse dire ce qu'on veut. La science fait
parler les morts, on le sait. Mais je ne suis pas du tout gêné pour
expliquer la présence de ces animaux dont on a refait
frauduleusement les squelettes en y ajoutant des bouts en plastique.
Dieu à l'origine n'a créé que des animaux gentils et herbivores.
Seulement vous n'ignorez pas la puissance satanique du Diable. Les
anges de l'Enfer, chassés du Paradis, rappelons-le, ont modifié
génétiquement les animaux créés par Dieu pour en faire des
monstres carnivores et affamés. Mais Dieu a trouvé la parade. Il a
dit à Noé : Tu vas construire un arche et dedans tu feras
entrer que les bêtes dont les noms suivent. Quand un animal se
présentera, d'abord tu vérifieras bien qu'il est en couple et
ensuite qu'il est sur la liste que je te donne. Ainsi quand les
dinosaures ont voulu entrer dans l'Arche, ils ont été refoulés
d'autant que certains étaient certainement homosexuels. Au bout de
quarante jours de déluge, tous les monstrueuses bestioles dégénérées
ont été noyées et la Terre est redevenue un joli jardin un peu
boueux au début certainement, mais rapidement fleuri et rempli
d'animaux sympathiques.
On me dit aussi que les
dinosaures n'ont pas cohabité avec les hommes. C'est vrai, mais
c'est l'affaire de quarante-huit heures. Dieu a créé les animaux le
jeudi et les hommes le samedi. Il y a donc eu une période de deux
jours francs pendant lesquels les animaux étaient seuls sur Terre.
Messieurs, non, nous ne
descendons pas du singe, qui d'ailleurs est resté dans son arbre.
Dieu nous a tiré du néant, et il a tiré la femme de la côte
d'Adam. Dans
la Genèse,
il
est dit
que "l'Eternel
Dieu fit tomber un profond sommeil sur l'homme, qui s'endormit ; il
prit une de ses côtes, et referma la chair à sa place. L'Eternel
Dieu forma une femme de la côte qu'il avait prise de l'homme, et il
l'amena vers l'homme." Il y a peut-être là une confusion.
Souvenons-nous que Henri IV à quarante ans disait de son sexe :
« J'ai toujours cru que c'était un os ».
Une
question dans l'assistance ?
- Si on suit la Bible à la lettre, Dieu aurait tué quarante fois plus de gens qu'Hitler. Qu'en pensez-vous ?
- Hitler n'était qu'un homme.
Maintenant
que tout est éclairci, je propose qu'on fasse rentrer les femmes
avec la collation qu'elles auront préparée. Juste qu'elles sachent
que la Bible est formelle : toute femme infidèle sera lapidée,
mais -et cela il ne faut pas leur dire- il faudra que celui qui n'a
jamais péché jette la première pierre.
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