Mauricio Kartun
Avec la pièce "La casita de los viejos" de Mauricio Kartun, nous entrons dans la tête et l'esprit de Rubén, un homme simple, sexagénaire, avec des rêves jamais réalisés. Un homme gris qui retourne à son enfance chaque fois qu'il comprend qu'il vient de commettre une erreur.
C'est alors qu'il se retrouvera avec ceux qui ont été les architectes de sa vie : Rosa, une voisine et ses deux filles. Mais aussi une mère calculatrice et quasi absente, un père despote jusqu'à la cruauté qui le méprisent au point de le considérer comme insignifiant.
(la porte est ouverte et Ruben n'ose pas passer)
PERE – C'est fermé... La fenêtre qui donne sur la cour est fermée aussi.
RUBÉN – Je veux sortir! (Il s'arrête devant la porte sans oser la franchir).
PERE – Rien à faire. On ne bouge pas d'ici. Trois semaines sans dessert. Et maintenant : au bain sans manger. Avec les autres... Ca t'apprendra.
RUBÉN – Non... Cette fois non...
PERE - Tu l'as bien cherché...
RUBÉN – Mais je n'ai rien cherché du tout... Je veux m'en aller...! (plus fort) Je veux m'en aller! Je veux sortir ! (Ruben s'arrête devant la porte ouverte ; tous le regardent. A un moment, il semble se décider à passer la porte, mais il s'arrête, vaincu. Tous respirent et prennent plus à cœur leurs rôles de bourreaux. Ruben n'est plus qu'une loque) J'aimerais sortir...
PERE – C'est terminé ! Que de plaidoiries pour tuer un chat ! J'ai dit au bain et c'est au bain. A la fin des fins je suis ton père ou qui tu voudras. (imitant Rubén) « Je veux sortir... je veux sortir... » Tout le monde veut sortir ! Mais d'ici on ne bouge pas ! On crèvera ici plutôt que d'en sortir... Et même si on casse tout dans la salle de bain ! Même s'ils viennent tous piétiner par ici... Celui qui ne change pas, ne sortira pas. Tu te souviens de la première fois... ? Tu avais huit ans, et tu as sali la jupe de tante Pirucha... C'était un Noël ? Oui, c'était à Noël. Jamais tu ne t'es excusé... Et quand tu ne voulais plus aller chez Pitman ?... Monsieur, ça ne lui plaisait pas la dactylographie... Et quand je t'ai vu en train de te tripoter... ? Tu ne regrettes même pas... Tu en as passé des jours dans la salle de bain regardant dans la glace ta peau rougie par les coups de ceinture... Et quand tu as redoublé, espèce d'âne... Et quand je t'ai trouvé en train de fumer dans un coin du club. Tu as oublié tout cela ? Et quand tu as dû faire des heures supplémentaires au ministère pour compenser toutes les cochonneries que tu avais faites ? Et quand tu as été obligé d'hypothéquer ta maison, endetté jusqu'au cou parce que tu voulais te faire artiste ! Au début, je dois le reconnaître... Tu te rebellais ! Tu ne voulais pas ! Tu te cassais les ongles en grattant le bois... Il a fallu que je mette la commode contre la porte pour que tu ne t'échappes pas. Mais progressivement tu t'es habitué... Les années passent et le courage diminue... Je sais qu'à la fin tu arrêteras de frapper la porte. Comme les oiseaux en cage, qui se résignent... On peut même laisser la porte ouverte pour qu'ils sortent un instant et se mettent à voler dans la pièce, puis ils rentrent sagement...
(tendrement) Au fond, mon fils, tu sais bien qu'en cas de nécessité tu auras toujours la maison de tes vieux... C'est bien comme ça... Rubencito... Sans violence... Pourquoi ? Parce que les choses sont comme elles sont et personne n'y peut rien changer... Moi, par exemple, je suis mort depuis longtemps...
https://youtu.be/Ds1KVfBMl9s
Commentaires
Enregistrer un commentaire