Jorge Luis Borges

Inscription sépulcrale

Pour le colonel Isodoro Suarez, mon bisaieul

Il fit planer sa valeur sur les Andes.
Il confronta des montagnes et des armées.
L'audace fut l'habitude de son épée.
Dans la plaine de Junin il imposa
un terme heureux à la bataille
et aux lances du Pérou il donna du sang espagnol.
Il recensa ses exploits
en une prose rigide comme les clairons sonneurs de guerre.
Il choisit l'honorable exil.
Il est à présent un peu de cendre et de gloire.

Traduction de Jean-Pierre Bernès

Jorge Luis Borges a explicité ces faits dans « Essai d'autobiographie ». Il s'agit du grand-père maternel de sa mère, le colonel Isidoro Suarez, 1799-1846, qui, en 1824, à l'âge de vingt-quatre ans, conduisit la fameuse charge de la cavalerie péruvienne et colombienne grâce à laquelle la victoire changea de camp à la bataille de Junin, au Pérou. Cette bataille fut l'avant-dernière de la guerre de l'Indépendance sud-américaine. Bien que Suarez fut le cousin germain de Juan Manuel de Rosas, qui gouverna en dictateur l'Argentine de 1833 à 1852, il préféra l'exil et la pauvreté dans Montevideo à la vie sous la tyrannie à Buenos Aires. Ses domaines furent, bien entendu, confisqués et l'un de ses frères exécuté.

Borges parle devant le monument consacré à Isidoro Suarez

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