Matilde Sánchez

Matilde Sánchez est une journaliste, écrivaine et traductrice argentine. À partir de 1982, elle a développé une carrière prolifique dans le domaine du journalisme culturel. Elle a édité le supplément Culture et Nation du journal Clarín, ainsi que Ñ Magazine.



Amsterdam, 79
Comme il existe un vert du Nil, un rouge de Sienne, un jaune d'Abyssinie, pour définir la stricte réalité d'une ambiance, il devrait forcément exister un gris de Hollande, un gris mouillé d'ardoise sans une tache de bleu, une compilation de nuages, plutôt qu'une couleur une absence de lumière, un filtre permanent des rayons du soleil, une toile peinte, un ciel irréel qu'on ne voit que par convention dans les tableaux, ou ici précisément et à cette heure. 


Les Hollandais sont comme des Allemands qui auraient passé de longs séjours en Angleterre, disait C. Mais ils ont perdu le tempérament insulaire et le goût pour les voyages furtifs. Déjà ils n'ont plus de curiosité pour l'étranger sauf pour les langues étrangères qu'ils étudient comme des langues mortes d'indigènes. La majorité des Hollandais que nous avons rencontrés n'étaient pas cultivés, simplement de belles manières, et beaucoup de discrétion dans les gestes. Même ceux, nombreux, qui sont bilingues et trilingues ne possédaient qu'un registre limité de phrases toute faites, mais n'étaient capables de s'exprimer correctement que dans leur langue maternelle. Inévitablement ils ignoraient tout de l'hémisphère Sud. Ils nous croyaient les descendants d'éleveurs de vaches ou de chercheurs d'or, enfants de nazis tenant des bordels dans tous les ports de l'Atlantique, quand ils ne nous imaginaient pas faire nos études dans les écoles de samba. Ils projetaient sur nous leur fantasme de l'exotisme, le passé de leur propre pays colonisateur. Le premier secret que l'Europe nous livra fut sa vaste, absolue, radicale indifférence.

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