Griselda Gambaro
Decir Sí, de son titre original, est une pièce courte écrite par Griselda Gambaro en 1978. Elle a été mise en scène au théâtre Tabaris à Buenos Aires lors de la première édition du Teatro Abierto en 1981. La pièce met en scène deux personnages masculins dans un salon de coiffure : Coiffeur et Homme. Le thème principal de la pièce est la relation dominant/dominé et amène à une réflexion sur le statut de victime.
Le Coiffeur feuillette une revue en attendant son dernier client de la journée. L’Homme, qui est venu pour se faire couper les cheveux, attend que le Coiffeur s’occupe de lui. Toute l’intrigue de la pièce part de ce paradoxe d’un coiffeur qui se comporte de manière contraire à celle que suppose sa profession. La quasi totalité du volume verbal repose sur le personnage de l’Homme. Sa parole : incontrôlée et souvent absurde, apparaît comme le signe de sa soumission face au silence et à l’indifférence du Coiffeur. Ce dernier réussit à faire ce qu’il veut de l’Homme, un simple regard ou un simple mot suffisent pour que l’Homme agisse. Les rôles vont ainsi s’inverser et ce sera le client celui qui parlera, celui qui chantera, celui qui fera le ménage du salon, celui qui rasera la barbe du Coiffeur et même celui qui lui coupera les cheveux ; mais ce sera surtout celui qui n’aura jamais raison. Avec beaucoup d’humour, cette pièce est une allégorie de la relation entretenue entre le gouvernement et la population.
COIFFEUR – Barbe ?
HOMME – Non, la barbe, non. Bon... je ne sais pas... Moi, en général... je me rase moi-même. Je sais que ce n'est pas commode, mais... Bon, au fond, pourquoi pas la barbe... Oui, oui, aussi la barbe. (il s'approche du fauteuil, mais le coiffeur ne bouge pas, alors il n'ose pas s'asseoir) Il a l'air fort solide ce fauteuil... Tout en bois... Ancien. (le coiffeur ne répond pas ; l'homme voit des cheveux coupés répandus sur le siège, il les rassemble et les prend dans sa main ; il voit aussi d'autres cheveux sur le sol) Ah, mais c'est une porcherie. (il sourit un peu confus ; il ne sait quoi faire des cheveux qu'il a dans la main et les met finalement dans sa poche ; le coiffeur sourit aussitôt)
HOMME – Bon... alors les cheveux et... la barbe, oui, la barba. Vous permettez ? (il prend un chiffon pour nettoyer le siège) Moi, ça ne me dérange pas de... de donner un coup de main. On est là pour s'entraider ; un jour c'est moi, un autre jour, c'est vous... (le coiffeur a les yeux fixés sur les cheveux qui jonchent le sol ; l'homme comprend l'allusion et se met à balayer. Il fait un tas des cheveux coupés. Content de lui, il regarde le coiffeur qui tourne la tête vers la pelle. Aussitôt l'homme se saisit de la pelle et récupère les cheveux en s'aidant un peu de la main) Je les mets ici ? (le coiffeur fait non de la tête et montre d'un tout petit signe une autre poubelle)
HOMME – Parfait. C'est plus propre maintenant. Non, je ne veux pas dire que c'était sale. Il y a autant de cheveux que de clients, parce que c'est incroyable comme les cheveux poussent vite ! C'est une bonne chose pour vous. (il rit stupidement) Je dis cela parce que... si nous étions tous chauves, vous pourriez toujours vous gratter ! Enfin, ce n'est pas ce que je voulais dire... Parce que, de toute façon, vous auriez un autre métier.
COIFFEUR – Je pourrais être médecin.
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