Alejandro Bovino Maciel
Alejandro Bovino Maciel est né à Corrientes, en 1956. Il est médecin-psychiatre diplômé de l'Université de Buenos Aires. Il a travaille neuf ans à Asunción, Paraguay, à côté de Augusto Roa Bastos. Il a publié une vingtaine d'ouvrages, mais il est surtout connu pour son théâtre politique.
Dans « El viejo señor Sarmiento », il est question de la fin de La guerre de la Triple-Alliance qui a opposé du 1ᵉʳ mai 1865 au 1ᵉʳ mars 1870 une coalition composée de l'empire du Brésil, de l’Argentine et de l’Uruguay, au Paraguay. Alejandro Bovino met en cause Domingo Faustino Sarmiento, président de l'Argentine de 1868 à 1874, très respecté aujourd'hui, mais dont le rôle lors de cette guerre est pour le moins discutable. Ironie du sort, Sarmiento est venu mourir au Paraguay.
ETELVINA : Tu sais qui étaient ces soldats paraguayens qui résistaient encore là après tant de batailles ? Ils étaient tout au plus 500 et c'était pour la plupart des vétérans amaigris par la faim et le manque de tout, malades, quelques uns n'avaient plus de bras, à d'autres il manquait un œil... C'était tout ce qui restait à notre pays après le désastre de cette guerre qui a duré quatre ans...
ROSARITO : Alors pourquoi les a-t-on envoyés à la guerre, tante Etelvina ?
ETELVINA : Parce qu'il n'y avait plus qu'eux. Il n'y avait plus d'hommes vivants, sinon ces 500 vieux, quasi invalides et malades. C'est tout ce qu'il restait. Parce que les 3500 autres étaient des enfants de huit à dix ans. Tu te rends compte? Des gamins frêles, tout petits, dont on voyait à peine l'ombre projetée sur le sol. On leur avait peint des barbes et des moustaches avec du charbon pour tromper l'ennemi.
ROSARITO : Les gamins ont fait la guerre, ma tante ?
ETELVINA : Oui, c'est ce que je viens de te dire. Ils nous ont défendu, les gosses.
ROSARIO : Tu es sûre de ce que tu dis ?
ETELVINA : Mon père était un de ces vétérans. Il l'a bien vu. Tu t'imagines un peu, Rosario ? Lutter corps à corps avec des enfants qui s'accrochent à vos genoux, criant de terreur, demandant la clémence parce qu'ils ne savent pas tuer, ni même utiliser une arme. Les fusils qu'ils avaient étaient des bouts de bois, des jouets, pour faire croire aux troupes ennemies qu'ils étaient armés.
ROSARIO : C'est épouvantable, ma tante. Il vaut mieux de ne jamais parler de la guerre. Des enfants... des gamins...
ETELVINA : Et tu sais ce qu'il s'est passé avec ces pauvres gamins qui priaient et qui tremblaient ? Ils ont été égorgés comme des animaux. Ce fut une boucherie, ma fille. Notre défunt papa pleurait quand il nous racontait ce qu'il avait vu.
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