Alfonsina Storni
Cigale par une nuit de
lune
De sa tour de guet, la
crécelle vocale
de la cigale franchit les
horizons
de l’arbre, pour convoquer
tous les grillons
à se réunir dans des lits
de rosée.
Contre les tanks frais des
crapauds,
les grillons mobilisent de
verts bataillons
menés par la criarde
capitaine, et voici
qu’ils ont encerclé les
balcons de la lune.
En perruque de neige et en
redingote
d’Orion boutonnée, très
en bleu dans l’ensemble,
avec une main en soufre et
l’autre en plâtre,
la lune plie le buste pour
saluer
et les grillons en guise de
baïonnettes
lèvent vers leur reine
leurs pattes pointues.
Didier Coste (traducteur) :
Alfonsina a été traduite trois fois en anglais depuis 1987 (deux petites anthologies, puis « Mascarilla y trébol »), elle a été traduite en italien, mais pas en français, contrairement à Alejandra Pizarnik, à Olga Orozco et à plusieurs créatrices actuelles. Elle fait partie de ces personnalités littéraires dont la vie agitée et la fin tragique cachent l'œuvre, et il est grand temps que cela change. Voici près de vingt ans que je me proposais de réaliser cette traduction et quelques mois que je l'ai commencée. Je viens de l'achever...
J'ai renoncé aux dodécasyllabes par lesquels il est souvent commode de rendre les hendécasyllabes espagnols. Et Alfonsina déclamait avec une certaine emphase —contraste marqué avec des contenus surréalistes, imagistes, souvent énigmatiques et/ou ironiques et grinçants. Comme le disait Alfonsina elle-même dans son Avertissement : certains de ses textes "considèrent le détail comme un organisme indépendant."
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