On s'en souviendra...
On s'en souviendra...
Le confinement durait
déjà depuis plusieurs semaines et il s'était accentué. Les
amendes pleuvaient sur les passants qui n'avaient correctement rempli
leurs attestations. Deux personnes qui s'étaient serré la main (par
provocation?) ont dû payer 1350 euros chacun, car dans ce cas c'est
135 euros par doigt.
- Nous vous
rappelons que le moindre « bonjour » peut déchaîner le
virus (message de prévention).
Pour accéder à un
magasin il fallait qu'on prenne votre température, mais comme le
gouvernement n'avait pas commandé assez de thermomètres sans
contact que l'on dirige vers le front, il fallait se déculotter et
attendre trois minutes le verdict du thermomètre anal. Au début,
cela choqua un peu, puis on s'habitua à voir cet étalage de fesses
à l'étal de chaque commerce. La personne qui dépassait les 37.5
était immédiatement embarquée pour une destination inconnue pour
qu'on ne puisse pas la retrouver et se faire contaminer. Les hôpitaux
étaient applaudis tous les soirs à 20h, au début par les gens sur
leurs balcons ; par la suite ce furent des applaudissements
enregistrés. On avait fermé les églises, les écoles, les
théâtres, les cinémas, les stades, les magasins de luxe ;
certains préconisaient de fermer aussi les hôpitaux puisqu'on y
trouvait le plus fort taux de contagion (certains médecins en
étaient morts) et que de toute façon il n'y avait pas de traitement
pour cette pandémie. Finalement, on avait préféré fermer les
prisons.
- Qu'ils aillent se faire pendre ailleurs ! (déclaration du Ministre de la Justice)
Malgré le risque que
cela faisait courir à l'ensemble de la population, des fanatiques
religieux se réunissaient secrètement et on les entendait murmurer
: « Saint De Gaulle qui nous a délivré de la barbarie,
sauve-nous encore une fois! » D'autres s'écriaient :
« Dieu est mon vaccin ! » avant de s'écrouler
quelques mètres plus loin, à bout de souffle et de foi. A Noël, le
pape avait fait à lui tout seul tous les personnages de la crèche
du Vatican. Des cosmonautes distribuaient le courrier. On crachait copieusement au passage des enfants : "Petits salopards de porteurs sains!" On cherchait haineusement un bouc-émissaire : un
pays étranger ou une bestiole exotique dont on brûlait les drapeaux
ou les effigies selon le cas. On assista également à une
recrudescence des femmes et des enfants battus, et bien que le
gouvernement ait bien spécifié que les claques désormais devaient
s'administrer sans contact, on ne put éviter de réelles blessures.
Les vieux avaient des
rues réservées dont ils ne devaient sortir sous aucun prétexte. On
leur jetait trois fois par jour une alimentation riche en calcium.
Les animaux posaient un réel problème.
- Que faire si mon
chien est caressé par une personne contaminée ? Il est certain
que si je le caresse à mon tour, je risque la maladie.
- Si bien
que, dans les connaissances actuelles de la science, nous sommes dans
l'obligation d'abattre la bête pour le bien de tous.
Des drones, bien aidés
par les dénonciations, surveillaient en permanence les déplacement
à l'intérieur de chaque maison et vérifiaient si un déplacement
de la chambre à la cuisine était réellement nécessaire à 16h30.
Les rues étaient vides. Les bêtes sauvages avaient pris aussi
possession des villes ; ils avaient vite compris les sens de
circulation et l'alternance des feux rouges, ce qui évitait les
accidents. On voyait couramment une horde de marcassins débouler à
un carrefour et attendre calmement que le feu passe au vert. Les
mouettes et les pies ramassaient les ordures trois fois par semaine.
Les renards réchauffaient les SDF.
Les conséquences
économiques commençaient à se faire sentir. Aux pompes, on vous
faisait le plein gratuitement et on vous donnait en plus un peu
d'argent, car cela coûtait trop cher d'entreposer des barils
d'essence dont personne n'avait plus besoin ; il fallait coûte
que coûte liquider l'or noir. Le télé-travail s'était généralisé
jusqu'aux acupuncteurs et aux travailleuses du sexe (si elles
enlevaient le masque, c'était plus cher). Les femmes de ménage
téléphonaient pour dire ce qu'il y avait à faire. On utilisait
tellement de savon pour se laver les mains 25 fois par jour qu'il n'y
en avait plus pour se laver le reste du corps. Une odeur de moisi
envahissait l'espace privée. Pour s'endormir les habitants
comptaient les morts.
Le Président de la
République avait dit que c'était une situation inédite, qu'on ne
pouvait rien dire, rien penser, rien faire et c'était d'ailleurs ce
qu'il avait fait.
Commentaires
Enregistrer un commentaire