Raúl González Tuñón
Mets vingt
centimes dans la fente
I
Même si
l'endroit est sale et obscure
malgré les
gens et les lampes tapageuses
si tu veux voir
la vie en rose
mets vingt
centimes dans la fente.
Et ne jette pas
un œil sur la beauté :
sa bouche
impure déborde de promesses.
Mets vingt
centimes dans la fente
si tu veux voir
la vie en rose.
La douleur tue,
mon ami, la vie est dure,
et déjà que
tu n'as ni foyer ni épouse
mets vingt
centimes dans la fente
si tu veux voir
la vie en rose.
II
Petites
veilleuses de kermesse,
pantins et
saltimbanques
redeviens
enfant encore une fois
et voyage parmi
les marins
de Liverpool ou
de Suez.
III
Accessoires de
théâtre.
Derrière ces
vitres sales
une pièce dans
la pénombre.
Des paradis
artificiels.
IV
Mille feux.
Merveille
aux reflets de
funambule.
Ici des femmes
et de la camomille !
Ici l'oubli et
des rafraîchissements.
Mais surtout
des femmes
pour les hommes
des ports
qui épinglent
leurs yeux
dans les yeux
morts.
Ce n'est pas un
squelette
le nain de
Sarrasani,
qui n'est
qu'une amulette
de la
bijouterie Escasany.
Saute sur la
corde, saute,
yeux de rats,
face de clown
et le
tralalilala donne
du rythme à
ton vieux cœur.
Images,
lumières, musiquettes,
mystères des
petits cabinets
où entrent à
la dérobée
les marins
hallucinés.
Et la fête, la
fête quasi idiote
tragi-comique
et grotesque.
Mais un vieil
espoir lointain
d'une vie des
mille et une nuits.
V
Quel plaisir
d'aller voir
la femme
la femme la
plus grosse du monde !
Entrer en ayant
très peur
en pensant à
la géante de Baudelaire.
Ils nous
escroquent, il n'y a pas de doute,
elle est nue,
on ne peut plus nue,
barbue, on ne
peut plus barbue
cette femme.
Mais reste ce
moment de peur profonde.
Quel plaisir
d'aller voir
la femme
la femme la
plus grosse du monde !
VI
Mais ne te
trompe pas, ami, la vie est dure
et la
philosophie ne console que très peu.
Mets vingt
centimes dans la fente
si tu veux voir
la vie en rose.
(El violin del
diablo)
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