Edgardo Lois



La superficie de la Lune est habitée par des chats, spécialement par un, el Colorado, qui passe une grande partie de la journée à dormir au soleil ; ce chat a la particularité d'être assez crasseux. En général les chats passent une grande partie de leur vie à se nettoyer, mais pas el Colorado qui ne fait rien que fainéanter sur les tôles et en oublie les spécificités de son espèce. Il semble que el Colorado possède certaine information sur ce qui est important dans la vie, ce qui fait qu'il vit la sienne, peu importe si les idiots du quartier murmurent comme toujours, et, je crois que, d'une certaine manière, il a parié qu'il se fera une place dans ma nouvelle histoire et qu'il pense bien y rester. Il doit savoir qu'en le voyant sur la Lune, qu'en imaginant qu'il y habite, je me suis souvenu de l'histoire de H.P. Lovecraft (1890-1937) : A la recherche du soleil levant (1927) : (…) Et sans doute il serait possible d'apprécier la même douceur dans les miaulements des chats. Quelques uns se sont éclipsés secrètement dans les royaumes occultes que seules connaissent les chats et, selon les paysans, ils se trouvent sur la face cachée de la Lune, où ils grimpent sur les toits des maisons les plus hautes.
 El Colorado n'a pas le rôle principal, mais il est évident qu'il fait partie de la scénographie. Une fois de plus, je peux dire que Buenos Aires est le personnage principal de toutes les histoires et considérations. Dans cette ville, la vie est en perpétuel mouvement, rien à Buenos Aires ne reste calme, en haut comme en bas, la cité même s'étend, respire, pour ensuite rester une minute sans un souffle. Cité poignante capable de défendre, mais aussi de sacrifier ses créatures. Cité toujours changeante tout en restant toujours la même, cette entité-univers avec laquelle on ne peut avoir une autre relation que celle d'un cocktail amour-haine. Je l'aime quand j'écris, quand je la décris, sur une table du Cao, et je la fais voler en éclat quand suppure l'indifférence tout autour de la Plaza Once. La Plaza, ses alentours, font aussi partie de mon roman : la nuit, le désespoir, les âmes : tout son paysage de vie a commencé à s'installer dans mon cahier. Je traverse Once pour voir et pour écouter, et j'écris pour ne pas oublier.

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