Le délit de démesure ne peut être pardonné



Le délit de démesure ne peut être pardonné

La Maladie s'est retirée dans son antre, repue certainement, mais pour combien de temps ? Elle a tellement profité de l'impréparation générale, elle s'est tant gavée de vieux, qu'elle a du mal à s'endormir. On l'entend se retourner dans son sommeil. Les humains ont recopié le passage d'Ulysse et du cyclope Polyphème, mangeur d'hommes. C'est qu'ils ont réussi, eux aussi, à lui enfoncer un pieu dans son unique œil, mais le monstre garde toujours la porte. Ulysse était donc confiné avec ses compagnons dans la grotte. C'était déjà le confinement ou la mort. Pour en sortir, Ulysse et ses copains s'accrochèrent à la laine des moutons pour passer sous le nez du cyclope. Toute la difficulté aujourd'hui est de savoir à quoi s'accrocher.
Les similitudes avec l'Odyssée ne s'arrêtent pas là. Pénélope tissait une tapisserie qu'elle défaisait la nuit, et en France on a fabriqué des millions de masques qu'on a détruits juste avant d'en avoir besoin. Une différence toutefois : Ulysse a pu tester la fidélité de Pénélope, alors que de nos jours on a manqué de tests (en autres choses).
Les habitants, comme Ulysse, sont obligés de se boucher les oreilles pour ne pas entendre les voix mielleuses de la Macronie, pays où l'on tente de tout déréglementer au profit de quelques rois de l'asphalte pendant que Sisyphe n'arrive pas à obtenir un CDI. Ce pays est dirigé par Charybde, mais Scylla, patiente, attend dans l'ombre et se prépare à dévorer ce qui restera.
Tout le monde redoute une nouvelle fringale de la Maladie. A tel point que l'on a interdit les combats de boxe, fermé les boites de nuit et déconseillé les brocantes. Les vieux qui ont résisté à l'épidémie regardent à deux fois leurs cartes d'identité : « Finalement, je ne suis peut-être pas si vieux que ça... »
Sur son nuage radio (mais très) actif, le dieu Trump se dit : « Et si je profitais du bordel pour envahir le Venezuela, une fois que je saurai, où ça se trouve. » Trump, c'est un peu Poséidon : irrité en permanence (parce qu'on a été impoli avec Polyphème), il est toujours prêt pour la Guerre de Trop.
Dans beaucoup de pays, depuis des années, on a fermé des hôpitaux pour que la Maladie ne sache plus où aller. La politique de la terre brûlée. Mais la malignité de la Bête est incommensurable : elle a envahi les asiles de vieillards qui tombent comme autant de marins d'Ulysse à chaque épisode de la geste d'Homère. Un sorcier marseillais fabrique un filtre dont la magie n'est pas reconnue par les autres druides.
Quand enfin il rentre chez lui, Ulysse a le masque : il est déguisé en mendiant, mais Eumée, chef des services sociaux de la ville d'Ithaque, lui fournit une couverture pour la nuit.
Bolsonaro, c'est Antinoos, le prétendant de Pénélope, qui souille la maison commune, brûle la forêt pour que les fumées soient agréables à Vulcain et aux vulcanisateurs, se moque des mendiants et autres peaux rouges.
La situation paraît catastrophique, mais si on suit le feuilleton d'Homère à la lettre, la fin est plus réjouissante et la vengeance terrible ! A commencer par les prétendants qui vont périr sous les flèches d'Ulysse et sous d'autres supplices. Et j'espère qu'on ne viendra pas nous dire alors que la punition est trop dure, Ulysse sera impitoyable, car il est écrit dans l'Odyssée : Les prétendants ont commis le délit de démesure (Hybris), ce qui ne peut être pardonné.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Chagrin d'amour par Dumitru Crudu

Le train ne s'arrêtera plus à Montalembert

Tintin en Roumanie