Guillermo Martinez



Guillermo Martínez est un écrivain, mathématicien et scénariste argentin.

Après des études de sciences mathématiques et une spécialisation en logique à l'Université de Buenos Aires, il va poursuivre sa formation à l'Université d'Oxford. Adolescent, il écrit le livre de contes La jungla sin bestias. Il en écrira plus tard un deuxième, Infierno Grande.

Revenu au pays, il se consacre à l'écriture et collabore au journal La Nación. Il sera invité à des sessions d'écrivains au Canada et aux États-Unis. Il est actuellement professeur de mathématiques à l’Universidad Nacional de Buenos Aires.

Il a notamment publié l'essai Borges y la matemática et les romans Acerca de Roderer, et La formula de la inmortalidad.

Son ouvrage Mathématique du crime est un véritable best-seller pour lequel l'auteur a reçu le prestigieux prix argentin Premio Planeta.

Dans cette nouvelle, un étudiant est dérangé chaque nuit par les cris d'orgasme d'une voisine, qu'il finit par observer puisqu'elle ne ferme jamais ses volets. Epuisé, mais fasciné par cette femme qui a de nombreux amants, il lui envoie un mot pour la faire venir chez lui.

Je terminais de ranger mes livres quand la sonnette retentit. Je pensai un instant que je pouvais encore ne pas lui ouvrir, faire comme s'il n'y avait personne. Mais j'ouvris la porte. Elle portait des lunettes de soleil. Elle me demanda si c'était moi qui lui avait glissé ce mot sous la porte. Je répondis que oui et je la laissai entrer. Elle s'assit sur la chaise que j'occupais toujours, ce qui me déconcerta un peu ; je restai interdit, vacillant. Je vis son sourire intrigué.
  • Je t'écoute, me dit-elle.
    J'avais l'impression de passer un examen difficile au moment où tout s'éclaire parce qu'on a trouvé la réponse exacte. Je lui demandai de ne pas m'interrompre et je commençai à parler. Je lui racontai tout, ou quasiment. Je parlais avec une passion qui me surprenait moi-même. Les mots venaient tout naturellement, même les plus difficiles. J'étais dans un état d'exaltation impérieux et inconnu pour moi. J'essayais de ne pas la regarder en parlant, mais je voyais tout de même qu'elle souriait malgré elle. Je pensais alors qu'il y avait peut-être là une opportunité à saisir. Quand j'ai fini, elle avait enlevé ses lunettes et elle les faisait tourner entre ses doigts. Je crois qu'elle comprenait que dans tout cela il y avait quelque chose de plus qu'une simple confession. Elle me demanda mon âge.
  • Vingt-quatre ans, lui dis-je, en espérant que je ne lui paraissais pas trop jeune.
  • Vingt-quatre ans, répéta-t-elle dans un léger soupir. J'en ai trente-neuf.
    Ensuite, elle se leva et commença à fureter dans mon studio, regardant avec curiosité les livres. Tout ce que j'avais pu dire ne lui avait tiré qu'un sourire et maintenant elle lisait tranquillement le titre de mes livres. Elle fit aussi un tour à la cuisine et, voyant la vaisselle pas faite, elle me regarda avec ce sourire très doux, vaguement maternel, presque insupportable. Ensuite, elle remit ses lunettes dans un geste un peu théâtral et avant de partir elle me tendit la main, qui sentait bon.
  • Je te demande de me pardonner si par ma négligence tu as vu des choses inconvenantes, me dit-elle sur un ton où je ne sus distinguer la plaisanterie. Je te promets que cela ne se reproduira plus.
    Cette nuit-là, elle ferma tous les volets et persiennes de son appartement, et ainsi ses cris ne me parvenaient plus que d'une façon étouffée et inoffensive. Je pus enfin reprendre mes études avec acharnement et j'obtins mon doctorat.
    Il y a des gens, je suppose, qui veulent avoir dans leur vie de l'argent ou du pouvoir. Moi, je voulais avoir, pour une nuit, cette femme dans mon lit.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Yakoi Kusama

K-pop

Sea Hyun Lee