Mario Diament
Mario
Diament, journaliste, écrivain et auteur dramatique est né à
Buenos Aires, Argentine. En 2014, il remporte le prix KONEX comme
l’un des cinq dramaturges argentins les plus importants de la
décennie. Il vit actuellement à Miami où il enseigne le
journalisme à l’Université Internationale de Floride. Il a publié
de nombreux ouvrages, romans et essais. En tant qu’auteur de
théâtre Mario Diament a remporté des prix nationaux et
internationaux pour plusieurs de ses pièces . “Un rapport sur la
banalité de l’amour” a été joué pour la première fois en
2008 à Miami en Floride. Depuis la pièce a été jouée aux
Etats-Unis, à Buenos Aires, à Caracas, à Santiago du Chili, à Rio
de Janeiro et à Sao Paulo, à Paris, à Montevideo et à Lima.
Pour
l'amour de Lou
Il
s'agit bien sûr de Lou Andreas Salomé, la femme, dont la vie
symbolise la lutte pour dépasser les conventions et les traditions.
Elle naquit à Saint-Pétersbourg en 1861, fille d'un général russe
d'origine allemande. A vingt ans, elle quitta sa maison natale pour
Zurich où elle suivit des études universitaires. Peu de temps
après, elle rencontra Malwida Von Meysenbug, ami de Wagner et grande
figure du féminisme. Ensuite, ce fut Paul Ree, Rainer Maria Rilke,
Sigmund Freud, Nietzsche...
Dans cette scène, elle a 17 ans et
elle est encore à Saint-Pétersbourg. Elle veut rencontrer le pasteur
Guillot.
LOU – Pasteur Guillot ?
GUILLOT – (surpris il se retourne)
Oui ?
LOU –
Je suis Louise Salomé. Votre épouse m'a dit que je vous trouverai
ici.
GUILLOT
– Ah oui, maintenant je me souviens. Vous êtes la fille du général
von Salomé, n'est-ce pas ?
LOU –
Oui.
GUILLOT
– Et vous vouliez me voir...
LOU –
Oui.
GUILLOT
– Pourquoi donc ?
LOU –
J'ai perdu Dieu.
GUILLOT
– Vous l'avez perdu ? Et où ça ?
LOU –
Dans mon lit, l'autre nuit.
GUILLOT
– Retournez dans votre chambre et regardez bien partout. Je suis
sûr qu'il doit y être.
LOU –
Vous ne me prenez pas au sérieux.
GUILLOT
– Il faudrait ?
LOU-
Bien sûr !
GUILLOT
– Et comment l'avez-vous perdu ?
LOU –
En priant.
GUILLOT
– Ah, en priant !
LOU –
Ecoutez-moi. L'autre jour, dans son sermon, le pasteur Dalton entonna
une de ses habituelles tirades sur le diable. Et ensuite il a parlé
de Dieu et de son omniprésence, en ajoutant qu'il n'y avait pas un
seul endroit au Ciel et sur la Terre où Dieu ne se trouve pas. Alors
je me suis levée et j'ai répondu : « Si, il y en a un :
l'Enfer ! » Le pasteur Dalton est devenu tout rouge et m'a
renvoyée chez moi. Et la nuit suivante, dans mon lit, j'ai raisonné
que si Dieu avait créé tout l'univers, il devait avoir créé
également le diable. Et si le diable s'est échappé de ses mains
pour faire ce qu'il a envie sans que Dieu ne puisse l'éviter, c'est
que Dieu n'est pas tout puissant. Et à quoi peut me servir un Dieu
qui n'est pas tout puissant ? C'est ainsi que j'en arrivai à la
conclusion que ni Dieu ni le diable n'existe vraiment, que tout cela
est un conte pour enfants et que s'ils n'existent pas, le monde s'en
porte mieux.
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