Pedro Orgambide
Né en 1929 à Buenos Aires,
Pedro Orgambide se révéla en 1948 par un recueil de poèmes, puis
en 1954 par un essai sur Horacio Quiroga. Il fonda ensuite la revue
Gaceta Litereria qu'il anima de 1956 à 1960. Au Mexique où il
résida durant dix ans à partir de 1975, il a codirigé la revue
Cambio. La dénonciation sociale par l'humour du quotidien argentin,
avec souvent une touche de fantastique, est une constante dans ses
fictions. Il est mort en 2003.
L'incrédule
Ils mentent ceux qui disent
qu'Emiliano Zapata vit encore. Aucune chance, mon vieux, il est bel
et bien mort ! Et moi, je suis de ceux qui l'ont tué ! Ils
mentent ceux qui disent qu'il parcourt le désert sur un cheval
blanc. De purs contes à dormir debout, bavardages de vieux qui ont
la tête fêlée, pleine de pulque et de rêves. Je peux leur dire,
moi : il est mort. Moi, je n'ai pas perdu la mémoire, ni
l'esprit. Et aujourd'hui encore, je peux d'une seule balle tirer en
plein vol un urubu dans la montagne. Toute cette histoire de cheval,
comme quoi Emiliano est vivant, c'est de la blague.
Ainsi parlait le vieux.
Seul, cette nuit-là, l'incrédule vit descendre de la montagne le
cheval blanc et son cavalier. Il sortit son pistolet. Mais trop tard.
Le cavalier tira avec sa Winchester. Se sont éparpillées sur la
terre les pensées de l'incrédule. C'est ainsi que mourut don
Buenaventura Salazar, d'après ce qu'on dit.
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