Enrique Papatino

 


La cathédrale engloutie d'Enrique Papatino


ANA – J'aime les légendes celtes.

WALDO – Et ça, depuis quand ?

ANA – Depuis que mon oncle Anibal me les a racontées, pendant que je faisais des lévitations. On ne sait pas si c'est que les vieux sont tous de bons conteurs, ou si c'est que la nature est capricieuse comme elle seule peut l'être, mais il paraît qu'un village se trouva submergé sous les eaux. Les plus vieux en attribuèrent la faute au démon, aux vices des villageois, au bordel. Les plus jeunes trouvèrent que c'était le maire le fautif, le maire, les ingénieurs, la digue. Mais ce qui est certain c'est qu'ils étaient tous coupables. Et ils abandonnèrent le village là, sous les eaux, comme un cétacé de pierre. Mais voilà que par une autre fantaisie de la nature, durant un temps assez bref, les eaux se retirèrent. Et l'on vit la coupole de la cathédrale, comme flottant sur le lac, avec son clocher battu par les eaux douces. Ces cloches avaient dû être consacrées. Il n'y a rien de plus heureux que de se remettre à chanter alors que tu étais muet. Mais aucun bonheur n'est définitif. Les eaux sont remontées. Rien ne put les arrêter. Le clocher fut irrémédiablement noyé et on cessa de l'entendre. Mais on ne sait pas s'il a continué à sonner. Et moi, je peux écouter ce chant, ces cloches devenues folles de bonheur. Peu importe qu'elles soient recouverte par des tonnes d'eau. Je peux voir cette magnifique cathédrale rien qu'en fixant la surface de l'eau. Et toi ? Tu les entends ?

Ana quitte la pièce dans un grand silence. Waldo se met frénétiquement à écrire, lui qui n'arrivait pas à finir son roman. Il a compris le message. La lumière diminue de plus en plus.


FIN






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