José Maria Paz

 

Facundo Quiroga

Cité par Borges dans son « Anthologie classique de littérature argentine », José María Paz y Haedo (Córdoba, Argentine 1791 – Buenos Aires 1854) est un militaire argentin qui participa à diverses phases de la guerre civile argentine dans la première moitié du XIXᵉ siècle.


Superstitions sur Facundo Quiroga

Ces croyances populaires qui circulaient sur Quiroga étaient un obstacle difficile à surmonter quand il s'agissait de le combattre, et ces superstitions ne touchaient pas seulement la dernière classe de la société, mais étaient répandues dans toutes les catégories sociales. Quiroga était tenu pour être inspiré par la magie, il avait un cheval maure (c'est ainsi qu'on appelait les chevaux gris) qui lui révélait les choses les plus occultes et lui donnait les conseils les plus salutaires, il avait des escadrons composés d'hommes qui lorsqu'il leur ordonnait se transformaient en bêtes sauvages, et de multiples autres absurdités de ce genre.

Parlant un jour avec un paysan et voulant le dissuader de croire à tout cela, il me dit : « Monsieur, vous pouvez penser ce que vous voulez, mais l'expérience acquise depuis des années nous apprend que el señor Quiroga est invincible à la guerre, aux jeux, et baissant la voix il ajouta, et en amour. Il n'y a pas d'exemple de bataille qu'il ait perdue, de partie de cartes qu'il n'ait pas gagnée, et baissant à nouveau la voix, de femme qu'il ait sollicitée sans qu'elle ne se rende. » Et comme je me mis à rire copieusement, le paysan garda son sérieux et ses croyances.

Alors que j'attendais Quiroga pour le combattre devant La Tablada, cent vingt hommes ont déserté, et il ne m'en est resté que trente. Quand je demandai la cause d'une telle désertion, on l'attribua à la peur d'affronter les troupes de Quiroga. Mais, dis-je, nous sommes plus nombreux qu'eux et nous avons, tout comme eux, des bras et des jambes. Il me fut répondu que les paysans avaient vu que les troupes de Quiroga se transformaient à son signal en une horde de quatre cents tigres. Cette faculté de se transformer leur donnait un avantage que rien ne pourrait compenser. Et le plus candidement possible, le lieutenant me dit : « Vous imaginez, mon général, cette nuit quatre cents tigres féroces dans ce camp ! Mais il n'y a plus un seul homme vivant au matin ! » Je ne savais si je devais mépriser ou rire d'une telle bêtise. Les autres militaires de haut grade ne disaient rien, et je ne savais pas s'ils participaient de cette peur de celui qu'on appelait « Le Tigre des plaines » ou s'ils me donnaient raison. Toujours est-il que l'attaque n'eut pas lieu alors que nous avions les meilleures chances de vaincre.


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