REVUE Punto y Coma
L'unique numéro de Punto y Coma. Revista literaria y cultural fut publié en juillet 1968 à Buenos Aires. Elle était dirigée par l'écrivain et dramaturge Edmundo Jorge Kulino, dont voici l'éditorial qui ne manque pas d'esprit et qu'il est intéressant de lire en ces jours troublés.
Ceci n'est pas un éditorial, c'est de la rage
Une rage suscitée par un pouvoir civilisé dont se vantent certains hommes, certaines bêtes, certains organismes qu'on pourrait croire humains...
Tout a commencé avec Lincoln, pour ainsi dire, et tout se terminera je ne sais quand ni avec qui.
Les apôtres de la violence décident des règles du jeu... Ce qui est surprenant, c'est que eux aussi croient en Dieu, prient dans les églises, le font en demandant la mort pour les noirs, le pouvoir au Ku Ku Klan et réclamant la mort en général...
Et Dieu, paraît-il, prête ses oreilles à toutes ces voix. Et il écoute : il est comme le parfait spectateur face à l'écran de télévision ou de cinéma ; il ne fait que regarder et écouter, un spectateur passif...
Ce n'est pas un simple jeu de mots, ou juste une accusation de ce qu'on appelle Dieu. Ce monsieur, de toute façon, n'est jamais là, sauf pour inventer Adam et Eve. Il n'était ni à la première, ni à la seconde guerre mondiale, ni en Hongrie pendant la répression, ni en Russie, ni au Vietnam, ni à Saint-Domingue, ni même aux Etats-Unis, la grande démocratie de la barbarie, pour écouter Luther King...
Je sais bien qu'on peut discuter ces arguments, tout ce que je demande c'est qu'on le fasse avec des paroles.
Qu'on continue de prier pour qu'une église ne s’effondre pas en Angleterre sur une centaine d'enfants, ou qu'il n'y ait plus de catastrophes à Rio de Janeiro, de tremblements de terre au Chili, ou de mortalité infantile en Argentine...
Mais je ne veux déjà plus parler de Dieu, ni des morts qui ne demandaient que la non-violence et l'égalité. Maintenant il faut penser à l'homme-humain. J'en viens à souhaiter une SEGREGATION. L'homme-bête doit être séparé. Mais comme le pouvoir est en général dans ses mains, il est peut-être temps de préparer notre propre ségrégation pacifique des êtres humains. Les bêtes qui ne sont pas décérébrées pourront continuer leurs œuvres. Elles trouveront toujours qui haïr et détruire, mais elles devront le faire entre elles. Tout en continuant à prier dans leurs églises. Dieu écoutera avec sa tête de vieillard et il pensera à ses jeunes années quand il flânait avec Adam et Eve, ou avec Charles Darwin dans le paradis terrestre... C'est une loi inexorable. La mythologie nous parle très bien des dieux séniles, mais oublie de préciser que la Sagesse use. Un dieu âgé est impuissant, probablement aveugle et sourd, peut-être atteint d'artériosclérose. Il n'y a plus qu'à attendre son décès.
Si de son côté, l'homme vieillit lui aussi, on pourra lui obtenir des médicaments, lui trouver quelques philosophes et commencer cette ségrégation, un exode pacifique comme celui que Jésus Christ effectua à son époque. A nous de trouver une terre nouvelle, bonne et fertile. Et d'y semer des créatures. Des enfants auxquels seule l'histoire apprendra à devenir adultes.
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