Borges et le labyrinthe
Au cœur de la vallée du Pô, près de Parme, le célèbre éditeur italien, Franco Maria Ricci, a créé un immense dédale composé de plus de 200.000 bambous appartenant à 15 espèces différentes.
S’étendant sur une superficie de 7 hectares avec 3 kilomètres de parcours, le labyrinthe en forme d’étoile, avec des carrés interconnectés est dédié à l’écrivain argentin Jorge Luis Borges, un passionné des labyrinthes.
Dans la cour centrale du labyrinthe, courent de longs tunnels sous arches, elle abrite une chapelle en forme de pyramide en son centre. Ce labyrinthe est ouvert au public depuis 2015. Notons aussi que ce labyrinthe abrite également un musée, qui présente la collection d’art de Franco Maria Ricci, qui est mort le 9 septembre de cette année.
Franco Maria Ricci, pourquoi ce labyrinthe ?
"Je rêvais pour la première fois de construire un labyrinthe il y a environ trente ans, à l'époque où j'avais invité, dans ma maison de campagne près de Parme, l'écrivain argentin Jorge Luis Borges. C'est en lui parlant que le projet a été formé. L’embryon du projet qui, au départ, avait un caractère plutôt personnel et privé, est aujourd’hui un héritage pour les générations à venir. J’ai ouvert le Labyrinthe de Masone au public en 2015. À côté du labyrinthe, il y a un musée (toute la collection d'œuvres d'art que j'ai collectionnées pendant cinquante ans), une bibliothèque (avec mes collections de bibliophiles et tous les livres que j'ai publiés depuis 50 ans), des espaces pour des expositions temporaires, des archives et des installations touristiques, aussi bien pour les passionnés de culture que pour les curieux ou les jeunes de la région : civilisation, style et confort...
D'où vous vient cette passion pour Borges?
De la lecture d'une nouvelle qu'un ami argentin m'avait envoyée de Buenos Aires, El Congreso del mundo. J'ai demandé à un proche de Borges, le poète et traducteur Horacio Armani, de m'obtenir les droits de ce texte. Borges a répondu positivement. Bizarrement, il n'avait pas le sentiment de publier des livres importants et il était très accessible. Il était peu connu alors, mais, pour moi, c'était un mythe. Il m'a reçu à la Bibliothèque nationale, dont il était le directeur. Il est venu vers moi, très chic, avec sa canne blanche, en récitant des vers de Dante. A l'époque, il distinguait encore des ombres. Il m'a demandé pourquoi j'avais voulu le rencontrer. Au comble de l'émotion, j'ai bredouillé une réponse emberlificotée avant de lâcher que j'aimais le concept de labyrinthe. Il a souri en me disant: «Suivez-moi, que je vous montre le labyrinthe!» Il m'a conduit à travers une succession d'escaliers étroits et de couloirs tortueux jusqu'à un balcon duquel on plongeait sur l'immense salle de lecture de la bibliothèque, qu'il m'a indiquée d'un geste: «Vous voyez, là, c'est le centre du labyrinthe. Je suis comme le Minotaure, j'attends d'être tué.» Borges détestait Peron, qu'il jugeait corrompu, et il s'attendait à être chassé de son poste. Moi, j'ai pensé qu'il me signifiait: «Peron va me tuer, mais Franco Maria Ricci va me libérer.»
Commentaires
Enregistrer un commentaire