Conte argentin
Le tigre et les chimangos
Un jeune tigre et de peu d'expérience s'était aperçu que chaque fois qu'il revenait de la chasse, ces oiseaux rapaces nommés chimangos se réunissaient par centaines autour de lui, et le saluaient de la plus aimable manière pendant qu'il dévorait sa proie.
Nous, les tigres, pensait-il, en princes que nous sommes, nous avons peu d'amis loyaux. Certes, nous sommes adulés, mais c'est toujours pour essayer de nous soutirer quelques restes ; tout un tas de peureux et de couards qui, s'ils n'étaient pas effrayés par nos grognements, seraient capables des pires vilenies. Mais ces petits chimangos ne sont pas de ce genre-là. On voit bien à une lieue à la ronde que leurs chants sont d'une joie sincère et pure, un message de félicitation désintéressé. Et ils ne viennent jamais nous quémander un bout de viande. En plus, ils n'ont aucune raison d'avoir peur de nous, car ils savent bien que leur viande ne vaut pas un clou. Et c'est pour cela qu'ils sont de vrais amis.
Un jour, il revint de la chasse sans avoir rien pris. Comme d'habitude, un certain nombre de chimangos avaient pris place autour de son repaire, mais en se taisant.
Ils sont tristes les pauvres, se dit le tigre, parce qu'ils voient que je n'ai rien à manger. Quels bons amis !
Attendri, il raconta son histoire à son père, lui disant qu'il regrettait de ne pas pouvoir compter ses amis un par un pour les chérir davantage.
Tu veux savoir combien ils sont ? lui dit le vieux tigre. C'est très simple. Tu fais le mort et tu verras que très vite ils seront tous autour de toi.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Et les chimangos se rassemblèrent autour du jeune tigre en piaillant. Ils se rapprochèrent de plus en plus, certains montant même sur son dos.
C'est magnifique ! dit le tigre. Que je suis heureux d'avoir tant d'amis. Je vais enfin savoir combien j'en ai.
Brusquement, alors qu'il ouvrait les yeux pour les compter, deux chimangos lui donnèrent un coup de bec dans chaque œil. Le jeune tigre reconnut son erreur.
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