Roberto Cossa
Dans cette pièce de Roberto Cossa, « L'oncle fou », une famille gagne un peu d'argent avec un kiosque où l'on vend un peu de tout, mais aussi en gardant des vieux. Ils ont accroché une sonnette à la main des vieux pour qu'ils les préviennent quand il y a un client au kiosque.
Belle-fille ramène Vieux II à l'intérieur juste au moment où entre la Cliente II.
CLIENTE II- Papa ! Que se passe-t-il ?
MERE – Ce qui se passe... ce qui se passe... C'est que votre père, on en a marre. Voilà ce qu'il se passe.
CLIENTE II- (elle va vers son père) Papa...
VIEUX II- (il s'accroche à sa fille) Les courtiers en faillite. Les courtiers en faillite...
CLIENTE II- Calme-toi, papa. J'ai pris du retard. J'ai fait des heures supplémentaires. Toi qui a été chef, tu sais ce que c'est.
VIEUX II- (il crie) Quatre-vingt-deux pour cent. (il pleure) A trente jours... trente jours...
VIEUX I- La police... la police...
MERE- (à Cliente II) Faites-le taire. Maintenant, vous voyez ce qui se passe ? On ne peut plus le supporter.
CLIENTE II- Ayez un peu de patience.
MERE – Je suis désolée. Il nous donne trop de travail. Ne l'amenez plus.
CLIENTE II- Mais où est-ce que je vais le laisser ?
MERE – Ca, c'est votre affaire.
CLIENTE II- Chez nous, tout le monde travaille. Je ne peux pas le laisser seul.
MERE – Je regrette. Vous ne voyez pas qu'il me déglingue l'autre vieux ?
PEPA – Je pourrais m'en occuper...
MERE – Toi ? T'as pas assez de travail comme ça ? Vous l'emmenez et c'est marre.
CLIENTE II- Je vous en supplie... Je n'ai pas où le laisser. (pause. Cliente II à Mère inflexible. Geste en direction de Vieux I) Et lui, comment vous le supportez ?
MERE – Il nous aide au kiosque. C'est pas pareil.
CLIENTE II- Mettez-y mon père.
MERE – On a essayé. Mais il n'y a pas moyen. Il est inutile. Votre père est trop nerveux. Il fait comme ça. (elle l'imite, agite les bras) Alors il sonne tout le temps. Et on passe notre temps à courir.
CLIENTE II- Papa, toi, tu fais ça ? (elle le rudoie) Pourquoi tu agites les bras?
VIEUX II- (il regarde sa fille, larmoyant) C'était sur le dollar qu'il fallait miser. Sur le dollar.
CLIENTE II- Tu ne dois pas remuer les bras. N'oublie pas que tu étais chef de bureau ! (à Mère) Ce n'est tout de même pas la même chose qu'un chef de bureau garde votre kiosque que ce traîne-savates. Je vais lui apprendre à rester tranquille.
MERE – Je ne sais pas. Je vais réfléchir. Apportez-le demain et on verra.
CLIENTE II- Merci, merci beaucoup. Vous, vous êtes très bonne. Papa... dis au revoir à ces messieurs dames.
VIEUX II- (exalté) Des dollars... des milliers de dollars... (il lève les bras et les agite) Sus aux dollars !
Il sortent. Dans le silence, on entende Cliente II qui dit :
CLIENTE II- Tu ne dois pas agiter les bras, papa.
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