La revue "Ahijuna"
Ahijuna était une revue dirigée par Fermín Chávez qui fut publiée à Buenos Aires entre décembre 1967 et septembre 1968. Durant cette période, sept numéros sont parus, au début mensuels, puis bimestriel. Le tirage tournait autour de cinq mille exemplaires, sortis sur les presses des Ediciones Nuestro Tiempo et Editorial Theori. Ces deux maisons avaient diffusé, depuis les années quarante, des œuvres proches du traditionalisme catholique et du révisionnisme historique.
(Ahijuna signifie dans le langage populaire « Fils de pute ! »)
Témoignage ( par Ricardo Caballero)
J'accompagnais le docteur Laurencena les derniers temps de la malheureuse campagne électorale de 1893. Nous étions si jeunes, nous les membres de la jeunesse radicale, que pour la plupart nous ne pouvions pas voter. Le docteur Laurencena appartenait à cette classe d'hommes politiques virils et romantiques, dont notre patrie et notre race hispano-créole a donné tant d'exemples. Possédant une grande culture littéraire et juridique, il joignait cela à une âme délicate, gentille et douce. Son physique d'apparence fragile, quasi maladif, s'érigeait pourtant contre le danger et montrait alors une grande valeur personnelle. Il se trouva que j'étais à côté de lui lors d'un incident sanglant où il joua un grand rôle, dans le chœur de l'église de San Miguel de Parana.
Dans la foule de ses adversaires, il gifla un des meneurs important qui l'avait injurié. Les commentaires sur ce qu'il s'était passé n'étaient pas encore terminés quand on entendit à l'intérieur du chœur des cris et des bruits de bagarre. La voix de Solano Reyes, un des grands amis du docteur, résonnait de bravoure et de défi. Le docteur Laurencena, en l'entendant, n'hésita pas une seconde. Il accourut, retroussa les manches amidonnées de sa chemise, typiquement créole, et il se jeta dans la mêlée, au centre de laquelle Solano Reyes se défendait avec la dague aiguisée des duels créoles. Un homme gisait à ses pieds dans une flaque de sang ; il semblait mort, mais il ne l'était pas. Il portait une blessure à la tête faite par Reyes. C'était un type de Corrientes, nommé Perello, qui travaillait sur le port, et jouissait d'une réputation de bagarreur.
Quand le docteur Laurencena arriva aux côtés de Solano Reyes, il réussit à l'éloigner du cercle des poignards menaçants : ceux qui se battaient baissèrent leurs armes en signe de respect et d'admiration. Le docteur Laurencena se retira en montrant du bras son ami et, regardant autour de lui, il me dit : « Vous aussi, vous étiez là! » Et il me prit dans ses bras. J'avais donc été témoin d'une scène de ces vieilles luttes électorales. On dit souvent que c'était un temps de violence et de barbarie. Moi, je dis que c'était un temps où la valeur personnelle s'appréciait comme la plus haute de toutes les vertus.
Commentaires
Enregistrer un commentaire