Olegario Victor Andrade
Olegario Victor Andrade
Poète argentin (Alegrete, Brésil, 1839-Buenos Aires 1882).
Disciple de Victor Hugo, il donna une forme épique au sentiment national (Prometeo, 1877).
Le nid du condor (extrait)
Ce poème, d'un certain souffle, fut écrit pour glorifier le « Libertador » José de San Martín, à l'occasion du retour du corps du héros, mort en France, à Boulogne sur Mer.
Tout est silence tout autour ! Mais il y a quelque chose
sur la roche même
qui bouge et palpite comme si c'était
le cœur malade de l'abîme.
C'est un nid de condors, où s'accrochent
leurs cous de géant
que le vent des cimes balance
comme une bannière qui flotte.
C'est un nid de condors des Andes
et dans la noirceur de ce sein
on dirait que fermentent les bourrasques
et qu'y dort le tonnerre.
Cette masse noirâtre tressaille
avec une inquiétude étrange :
C'est qu'il rêve et qu'il s'agite
ce vieil habitant de la montagne !
Il ne rêve pas de vallée ou de cordillère,
ni d'atours somptueux ;
et pas plus de l'écume du torrent
qui humidifie ses ailes.
Il ne rêve pas du pic inaccessible
qui la nuit prend feu
précipitant entre falaises et ravins
ses glaces enflammées.
Il ne rêve pas du nuage volatil
qui est passé ce matin
traînant dans l'espace des champs
sa tunique grenat.
Beaucoup de nuages sont passés devant ses yeux,
il a foulé de ses griffes beaucoup de volcans,
son plumage s'est mouillé et a frisé
sous tant de torrents et d'ouragans.
C'est quelque chose de plus cher qui lui cause
cette agitation étrange :
un souvenir qui remue dans sa tête
de vieil habitant de la montagne.
La veille au soir, quand il revenait
en vainqueur sans pitié,
apportant les dépouilles palpitantes
saisis par son bec puissant,
deux voyageurs pressés descendaient
le versant rapide :
Un enfant, et un vieillard de haute taille
avec les cheveux blancs.
Ils parlaient à voix haute, et l'ancien
avec un accent vibrant
« il va venir, s'exclamait-il, le héros
qu'on chérit, par ce sommet gigantesque. »
Le condor, en l'entendant, battit des ailles,
lança un croassement rauque,
et alla poser son flanc fatigué
sur le nid désert.
Inquiet, tremblant, comme blessé
d'une funeste angoisse,
il passa la nuit éveillé, et l'aube le surprit
avec les yeux rouges.
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