Paul Groussac

 

Buste de Groussac dans le parc Tres de Febrero à Buenos Aires.


Paul-François Groussac (Toulouse, 15 février 1848 - Buenos Aires, 27 juin 1929) Il était écrivain et critique littéraire argentin d'origine française. Deuxième de quatre enfants de Catherine et Pierre Deval Groussac, était le descendant d'une ancienne famille de Languedoc. La famille d'origine, catholique et provinciale, vivait sans luxe, mais dans le confort. Il fait face à ses études classiques à Toulouse. Après la mort de sa mère, en 1858, il a été envoyé pendant quelques mois de grand-mère Sorèze. Ici, il a étudié au collège et a rencontré le père dominicain Lacordaire, un écrivain romantique qui a exercé une forte influence sur lui. Dans cette époque sa plus grande source d'inspiration intellectuelle était le poète Victor Hugo. En 1865, il entra à l'Académie navale en Brest, mais plus tard, il a choisi d'abandonner sa carrière militaire. Il est inscrit à l'Académie des Beaux-Arts de Toulouse, mais bientôt dégoûté de la rigueur des études, il a décidé d'abandonner.


L'émigration en Argentine

Ne voulant pas revenir dans la pauvreté, le jeune Groussac a décidé de dépenser tout l'argent qu'il avait quitté et se lancer dans le pas cher sur le premier départ du navire. Le choix aléatoire est tombé sur le grand navire Anita, à Buenos Aires. Il semble que sa décision d'émigrer a également été affectée par la déception provoquée par le second mariage de son père. Groussac restent à Buenos Aires pour le reste de sa vie. finalement atterri à Buenos Aires, le jeune Français a commencé à errer dans les rues sans savoir un mot d'espagnol. Paradoxalement, c'est la raison pour laquelle il a été arrêté, parce que la police soupçonne que simule être un étranger afin d'éviter d'être appelé pour aller à la guerre contre le Paraguay.


Groussac et Borges

Il fut donné à Groussac, en tant que rédacteur de la revue Sud-América, de se trouver au centre du monde littéraire argentin. Comme critique, Groussac était redouté en raison de son caractère impitoyable et implacable, et de son sarcasme fulminant, à telle enseigne que Jorge Luis Borges entreprit d’analyser quelques-uns de ses éreintements littéraires dans un article intitulé Arte de injuriar (1933), paru dans Sur. Le poète nicaraguayen Rubén Darío dédia à Groussac son œuvre intitulée Coloquio de los Centauros.

Sa réputation posthume fut nourrie par les fréquentes mentions de son nom dans les essais critiques de Borges, qui du reste consentit à rédiger sa nécrologie. Dans l’essai autobiographique La ceguera, Borges évoque l’influence exercée par Groussac sur l’écrivain mexicain Alfonso Reyes, qui avait pour lui une grande estime : « Alfonso Reyes, le meilleur écrivain du castillan de tous les temps, me dit : Groussac, qui était Français, m’a enseigné comment l’on doit écrire en castillan. »

Il y aurait à relever plusieurs parallélismes biographiques entre Groussac et Borges : entre 1955 et 1973, Borges occupa, comme Groussac, le poste de directeur de la Bibliothèque nationale d’Argentine, et tous deux étaient aveugles lors de l’exercice de cette fonction.


Borges – interview à l'Express


E- Vous connaissiez le monde littéraire européen ?

 - Oh ! non, vous savez, nous, en Argentine, on est un peu loin ! On se sent tenus à l'écart ! Il y avait un Français, Paul Groussac ! Vous connaissez Paul Groussac ?  

E- Non. 

- Personne, ici en France, ne le connaît. C'était un ami d'Alphonse Daudet, de Clemenceau, eh bien ! il disait (il s'était trouvé dans l'obligation de vivre en Argentine) il disait : "Etre célèbre en Amérique du Sud, ce n'est pas cesser d'être inconnu." 




Groussac était redouté en raison de son caractère impitoyable et implacable, et de son sarcasme fulminant. Voici un article qu'il écrivit en 1896 sur le poète Rubén Darío pourtant très réputé dans toute l'Amérique Latine :

Monsieur Dario s'est converti maintenant en héraut de pseudo-talents décadents, symboliques, esthètes -tous ces épithètes que n'ont jamais acceptés Verlaine, ni Régnier, et qui, au fond, ne sont rien d'autre qu'une maladie plus ancienne : la nécessité qu'ont les médiocres de se singulariser pour se distinguer. Pour ressortir de la masse un géant n'a qu'à se hausser sur la pointe des pieds ; les nains ont besoin de se maquiller et de se livrer à des démonstrations bruyantes. Pour cela, ils affichent une originalité, en l'absence de toute idée, sur la couverture de leurs petits livres, avec des effets de typographie, à la manière des débits de tabacs et des parfumeries, et qui suffirait à classer comme frivole et infantile ce prétendu modernisme. A ce propos, qu'il me soit permis de reprocher au Sieur Dario les petites « raretés » typographiques indignes de son intelligence. Cette recherche sur la couverture est d'autant plus déplaisante qu'elle contraste avec l'abandon complet où est livrée l'impression elle-même : les incorrections sont multiples, les citations inexactes (même pour le cher Verlaine), les errata sont choquants, surtout en français. Croyez-moi, distingué écrivain : la difficulté pour un livre américain ce n'est pas d'être imprimé en italiques, mais de proposer un texte correctement écrit.

Le pire dans le cas présent, je le répète, c'est que l'auteur de Los Raros célèbre la grandeur de ses vers de myrmidon avec une sincérité affligeante, et qu'il le fait avec une désespérante perfection. C'est ce qui me motive à faire ces observations dont l'accent affectueux n'échappera à personne.

Est-ce que Monsieur Dario pense atteindre à l'originalité en se faisant l'écho servile des rhapsodies parisiennes et en prenant comme devise la question naïve d'un personnage de Coppée : «Qui pourrais-je imiter pour être original? »


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