Jorge Luis Borges

 


Villa Ortúzar est un quartier de la périphérie de Buenos Aires, au nord-ouest du cimetière populaire de la Chalarita. Il symbolise pour Borges les marges de la ville, la zone de transition entre le monde connu et l'inconnu.

Dernier soleil à Villa Ortúzar


Soir pour quelque jugement dernier.

La rue est une blessure ouverte dans le ciel.

Etait-ce un ange ou le couchant, cette clarté qui brûlait aux profondeurs ?

Obstinée, la distance me charge comme un cauchemar.

Un barbelé tourmente l'horizon.

Le monde paraît inutilisable et rejeté.

Au ciel il fait encore jour, mais la traîtrise de la nuit envahit les fossés.

Tout ce qui reste de lumière est dans les petits murs bleus et dans ce vacarme de fillettes.

Je ne sais plus si c'est un arbre ou un dieu, cette forme qui apparaît à la grille rouillée.

Combien de pays à la fois : la campagne, le ciel, la banlieue.

Par les rues, par le fil du couchant, j'ai connu la richesse aujourd'hui, et par le soir devenu stupeur.

De retour, je me restituerai à la pauvreté.


traduction de Jean-Pierre Bernès


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