Vaccinocratie
J'étais arrivé dans l'Etat de Vaccinocratie. Il y avait deux sortes de citoyens : les vaccinés et les autres. Les vaccinés avaient le droit de vote, pouvaient se déplacer sur tout le territoire et même à l'étranger. Ils avaient d'ailleurs un superbe passeport, où il était écrit qu'il fallait leur accorder aide et assistance en cas de thrombose. Ils pouvaient aussi aller au cinéma, au théâtre, au stade. Ils étaient des vaccinoctambules.
Les autres étaient confinés, soumis à un couvre-feu, contrôlés par les forces de police. Ils devaient en permanence porter un document qui spécifiait : Si je ne suis pas encore vacciné, ce n'est pas de ma faute, ni de ma volonté. Ce n'est pas non plus de la faute du Gouvernement qui fait tout ce qu'il peut. Ils étaient tous porteurs également d'un compteur kilométrique : ils avaient droit à dix kilomètres par jour. Les contrôles étaient rigoureux et les amendes salées. Ils avaient une simple carte d'identité où l'on pouvait lire : persona non grata. On écrivait en latin chaque fois qu'on était obligé d'être désobligeant.
Certains étaient entre les deux : ils n'avaient reçu qu'une première dose. Pour les reconnaître et les différencier, le Président leur avait demandé de ne porter qu'une chaussure sur deux. Ainsi ils claudiquaient dans l'espoir de trouver rapidement une deuxième dose et un second soulier. La population ne les aimait pas trop ; ils n'étaient pas fréquentables pour les vaccinés et les autres les considéraient comme des traîtres, des lâcheurs. En démocratie, les non-vaccinés étaient les plus nombreux, mais en vaccinocratie, ils devenaient les barbares des cités grecques. Pas voix au chapitre.
Les vaccinocrates vivaient heureux, mais on observait un nombre croissant de vaccinostalgiques. Ceux-là se plaignaient souvent du Gouvernement, qui répondait par l'intermédiaire du Secrétaire d'Etat aux Vaccins : Vous croyez que c'est mieux dans un Etat vaccitotalitaire ? Le seul endroit du monde où il n'y a pas de problème, c'est dans le Vaccinomansland.
La vaccinomenklatura, dont les membres, torse nu, s'étaient fait vacciner devant les caméras de la télévision, avait ses propres restaurants pour éviter toute contamination. Suivant leur bonne volonté, ils fermaient des magasins, en ouvraient provisoirement d'autres. Ils interdisaient toute manifestation pour leur sécurité personnelle. Six personnes avaient droit de se rassembler ; au-delà le délit était constaté et l'armée intervenait sans ménagement. On pouvait se plaindre devant la justice, mais un avocat vacciné coûtait très cher et un non-vacciné n'avait qu'une faible chance de se faire entendre puisqu'on lui imposait le port du masque.
A l'hôpital, on ne pouvait recevoir tous les non-vaccinés en même temps et certains perdaient patience ou la vie. Vaccino-comment, avait commenté le ministre du temps qui reste à vivre.
« Je passe ma vie à examiner, j’écris le soir ce que j’ai remarqué, ce que j’ai vu, ce que j’ai entendu dans la journée. Tout m’intéresse et tout m’étonne». (Montesquieu - Les Lettres Persanes)
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