David Viñas
Il faudra bien un jour reconnaître l'importance de David Viñas dans la littérature d'aujourd'hui. Directeur, avec son frère Ismael, de la revue Contorno, qui prônait une littérature engagée, il se livre dans ses romans à une analyse critique de la société argentine contemporaine (les Maîtres de la terre, 1958 ; Corps à corps, 1979), soulignant le rôle prépondérant des grands propriétaires terriens, qui se sont souvent servis de l'armée pour faire triompher leurs intérêts. On lui doit aussi des pièces de théâtre et des essais (Littérature argentine et réalité politique, 1964).
Dans le deuxième numéro de « El ojo mocho » de l'hiver 1992, il répond longuement lors d'une entrevue avec trois collaborateurs de la revue.
Par exemple, le cinéma me passionne, mais la dernière fois que j'ai rencontré Olivera qui est un ami, il m'a dit : « Mon pauvre vieux, le cinéma est mort. Qu'est-ce que tu veux faire ? Tu ne vas pas t'obstiner à écrire des scénarios ? Pour qui ? Pour quelle coproduction de je ne sais quoi ? Tu perds ton temps. » Alors pour un scénario, je demande à ce qu'on me paye avant. Si je n'ai pas une avance, je ne fais rien. Parce que je dois vivre. Et vivre de ce métier. Ou alors faire de la télé... Mais comment accéder à la télévision ? Avoir une vraie audience ? C'est toujours la même histoire : comment accéder, comment concrétiser ses possibilités de travailler. Nous sommes dans une période de restriction, avec des conditions matérielles toujours moindres. Je l'ai vérifié au théâtre. Il y a des jours où les bras te tombent. Quand tu dois aller lire à un directeur de théâtre dans la rue Corrientes. C'est en général un bon garçon, un fils à papa. Le papa qui lui a offert le théâtre. Sans compter les Spadone qui ont le monopole du théâtre ; ils en ont cinq dans la même rue. Et après l'obstination d'avoir lu pendant une heure et demie, en faisant tous les personnages de la pièce, tu t'entends dire : « OK, mais tout ça me paraît peu commercial. » Tu lui dis : « Mais qu'est-ce qui est commercial pour toi, fils de pute ? Qu'est-ce qui est commercial pour toi : qu'on pète sur scène ?» Il n'en a pas la moindre idée. La moindre idée. Alors de la merde ! Pourquoi je devrais passer un examen devant ces gens-là ? Comme un crétin devant ces ânes ? Tu te dis que tu vas lui foutre sur la gueule. Ou alors tu lui dis ; « Vous savez qu'il y a une réplique qui dit "Viva Peron ?" »
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