José Pedroni

 


José Pedroni est né dans un village de Santa Fe en 1889 et il est mort le 4 février 1968 à Mar del Plata. Il est un poète important en Argentine. Il fut le défenseur de la terre, des cultures aborigènes et de la vie. Parmi ses œuvres, on retiendra les recueils "La gota de agua", "El nivel y su lágrima", "Poemas y palabras" et « Lunario Santo » dont est extrait ce poème.


Première lune

Laissant dans ma chambre la lumière allumée

je suis sorti sans m'en rendre compte.

Pour mes yeux la rue poussiéreuse

était nouvelle et inconnue.


J'avais la bouche sèche, mais encore pleine

du chatouillement d'un vin vieux et aigre.


Avec une énergie tout neuve, ma longue lassitude

s'étirait dans mes bras jusqu'à la nouvelle lune.


L'air joyeux,

sifflant dans le sentier je rencontrai mon voisin :

un colporteur jovial qui, lorsqu'il était au travail,

chantait en route.


J'étais muet, comme un enfant, à ses côtés ;

cordialement je lui mis la main sur l'épaule ;

et lui, ce vieux inestimable,

en fut tout surpris.


Et même s'il ne disait rien,

le regard fixe, il confessa son étonnement :

de voir sourire l'homme qui ne souriait jamais !

de voir à son côté l'homme qui ne le saluait pas !


Ainsi cette nuit-là, dans une mutuelle allégresse,

nous avons scellé notre amitié de cette étonnante façon.

Il m'a tout dit ;

je lui ai tout dit.


Quand je suis rentré, tu dormais. A côté de toi, en souriant,

je me suis couché apportant avec moi le froid du chemin.

Et je t'ai embrassé sur le front,

pensant, dans mon bonheur, que j'embrassais le Destin.


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