La mort de l'éléphant
Après quelques jours de réflexion, je reprends mon blog, mais il ne sera plus aussi systématiquement consacré à l'Amérique Latine.
Par exemple, en cette période, plusieurs textes d'Egypte ont retenu toute mon attention.
Muhammad ibn Iyyas (né en juin 1448 et mort après novembre 1522) est l'un des plus importants historiens égyptiens. D'origine circassienne, il était l'un des mamelouks et était un témoin de l'événement historique de l'invasion de l'Égypte par les Ottomans.
Badai' al-Zuhur fi Waqai' al-Duhur est son œuvre la plus importante. Il y raconte la grande histoire de l’Égypte, en particulier à l’époque mamelouke.
Extrait d’Ibn Iyyas, Badâ’îl al-zuhûr,
Par Dieu, approchez, venez écouter, vous autres
Ce qui est arrivé à l'éléphant tombé lundi sur le pont
…….
Je me dis: allons voir si c'est vrai
J'arrive et trouve l'éléphant mort, étendu à terre.
Et les gens de lui grimper sur le dos
Alertés lorsqu'il tomba lundi sur le pont
Et les habitants vénérés du Caire, massés autour de lui
Etonnés de voir cet éléphant en détresse
Voient ses larmes couler comme la pluie
Ils pensent : « Quels barrissements il a dû pousser
Quand sur le pont il a basculé
Je lui dis : « Ô toi, éléphant Marzûq
Toi, noir comme la nuit
Qu'es-tu devenu, toi l'intouchable ?
Semant autour de toi la peur
Tu étais, toi l'éléphant du sultan.
La plus belle des bêtes féroces
Tous admiraient la grâce de la démarche
Et te voilà aujourd'hui abattu sur le pont. »
L'éléphant comme éveillé dit aux gens :
« Souvenez-vous lorsque Je circulais en procession
Portant les tambours battants
J'avançais, le palanquin sur le dos, et tous m'acclamaient
Comme une mariée lorsqu'elle paraît à la fenêtre
Et voilà qu'aujourd'hui
Ce fut ma dernière promenade sur le pont. »
L'éléphante, sa compagne, dit :
« Qui me viendra en aide ?
La flèche de la séparation a fendu mon cœur, ô musulmans !
Moi qui suis étrangère, venue d'Inde, mon cœur est affligé
Cet éléphant était mon compagnon, j'en suis flattée
Mais aujourd'hui, ce fut son dernier Jour sur le pont. »
Elle se mit à pleurer
Ses pleurs tirèrent des larmes aux voisins
Elle gémit tant et tant qu'ils gémirent de son chagrin
De douleur elle se lamentait, se frappant de ses oreilles
La girafe vint même à son secours, affligée,
Pleurer l'éléphant mort sur le pont.
Lorsque cela advint, durant le mois de sha'ban, fin ragab
On vit paraître une étoile filante
Les gens pensèrent qu'il s'agissait d'un signe
Que présageait donc cette étoile filante ? On se le demanda.
Un signe de la mort de l'éléphant sur le pont...
Je m'appelle Nasir al-Dîn, et toute ma vie, j'amasse de l'argent
Les gens m'apprécient, j'ai même du succès
Lorsque mourut cet éléphant Marzûq, je récitai :
« Par Dieu, approchez, venez écouter, vous autres,
Ce qui est arrivé à l'éléphant tombé lundi sur le pont ! »
Cette
histoire touchante, racontée sous la forme d'un poème de zajal, est
rapportée par Ibn Iyyas, qui rappelle que le jour de l'accident, les
marchands du bazar ont fermé leurs échoppes pour aller assister à
l'événement.
Georges Henein. Poète surréaliste et journaliste d'origine égyptienne. Etudes secondaires et universitaires à Paris, où il devient l'ami d'André Breton et Henri Calet. A son retour en Egypte il est, entre les deux guerres, à l'origine du courant surréaliste et socialiste en Egypte.
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