Théâtre syrien
Saadallah Wannous est né en 1941 près de Tartous, en Syrie. Après des études de journalisme au Caire, il écrit pour les pages culturelles du journal Al-Baath en Syrie et As-Safir au Liban, tout en commençant une carrière d’auteur dramatique. À la fin des années 1960, il part étudier le théâtre à Paris. À son retour à Damas, profondément influencé par divers courants théâtraux européens, il milite en faveur d’un théâtre mêlant traditionet modernité, et participe à la création du premier festival de théâtre du monde arabe. Il fonde, à la fin des années 1970, l’Institut supérieur du théâtre de Syrie, ainsi qu’une revue, La Vie théâtrale, dont il devient rédacteur en chef. Partisan d’un théâtre politique, en prise avec la société, ses pièces se veulent émancipatrices et explorent sans concession les liens entre l’individu et le pouvoir. Considéré comme l’un des plus grands hommes de théâtre de langue arabe, il meurt prématurément d’un cancer en 1997.
"Rituel pour une métamorphose", une pièce de Saadallah Wannous s'est jouée au théâtre du Gymnase (Marseille) dans le cadre de la nomination de Marseille en tant que capitale européenne de la culture, et elle est désormais la première pièce syrienne à entrer au répertoire de la Comédie Française.
« LE MUFTI : Soyez le bienvenu Izzat Bey, votre présence est un honneur pour moi.
« IZZAT : C’est pour vous que je l’ai abattu comme une proie en plein vol !
« LE MUFTI : Pour moi !
« IZZAT : Pour moi et pour vous si vous préférez.
« LE MUFTI : Ne m’impliquez pas dans cette affaire.
« IZZAT : Vous vous en lavez les mains ?
« LE MUFTI : Qu’est-ce que mes mains ont à voir dans cette affaire ?
« IZZAT : Qui nous a donc mis au courant pour le déjeuner sur l’herbe ?
« LE MUFTI : Et comment l’aurais-je su, moi ?
« IZZAT : Par un de vos hommes !
« LE MUFTI : L’un de mes hommes ? Je crois que vous faites erreur, Izzat Bey.
« IZZAT : Et Afsah, n’est-il pas votre homme ?
« LE MUFTI : Afsah ? Afsah n’est qu’un chien de cimetière qui vit sur la calomnie et la traîtrise. Je viens de le jeter dehors.
« IZZAT : J’ai besoin de comprendre, mon vénérable mufti. Vous rejetez donc toute responsabilité dans l’affaire ?
« LE MUFTI : L’ordre dans notre ville est assis sur des rangs et des équilibres régis par un certain nombre de positions. Celles-ci doivent être respectées et bénéficier de l’immunité. Réfléchissez enfin !
« IZZAT : Je n’y comprends goutte.
« LE MUFTI : En mettant le turban vert sur la tête d’une putain, vous avez offensé tous les notables et vous m’offensez moi aussi.
« IZZAT : Je l’ai saisi en flagrant délit d’ivrognerie et de débauche.
« LE MUFTI : L’ivrognerie et la débauche ne sont pas rares dans cette ville.
« IZZAT : Sommes-nous alliés, oui ou non ?
« LE MUFTI : Évidemment nous le sommes. Une fois chez vous, vous saurez que je suis affable.
« IZZAT : N’oubliez pas que je suis le gouvernement, vénérable mufti. Je ne pense pas que nous ayons intérêt à nous quereller.
« LE MUFTI : Nous quereller ! À Dieu ne plaise !
« IZZAT : Parfait. Je m’en vais alors, voir où en est l’affaire.
« LE MUFTI : Mon cadeau vous précédera à la maison.
« IZZAT : Je ne suis pas venu pour toucher une récompense.
« LE MUFTI : Parler de récompense entre amis ? C’est inconvenant !
« IZZAT (en sortant) : Nous verrons bien…
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