Albert Cossery

 


La jeune fille et le haschache

Faiza était toute saisie par le tumulte soudain de ses sens en délire. Elle se sentait croître, se multiplier à l'infini. Il lui semblait que sa vie augmentait pendant que celle de l'homme roulait dans une absence illimitée. C'était comme une ville qui s'étalait, s'agitait paresseusement en elle, une ville orientale avec ses palais et ses lumières.

Sa volupté se nuançait au rythme d'une musique barbare. Pareil aux élancements des hanches d'une danseuse effrénée, le plaisir la prenait par bonds successifs et nerveux. Des sons de crotales resserraient autour d'elle un cercle assourdissant. Elle entendait hurler une foule de femmes gesticulantes, comme dans ces fêtes où l'on exorcise le démon. Tout cela se passait à un point extrême et douloureux de son être. Sa tension s'était immobilisée dans l'attente du spasme. Il lui semblait buter contre un mur. La virilité de l'homme la pénétrait comme une lame. Et son impétuosité était semblable à celle d'une fleuve. Quel fleuve ? Le Nil immense aux eaux perfides coulait en elle. Elle se voyait admise au sein de son énormité. Et le flot sacré fertilisait le terrain de sa jouissance. Sa jouissance grandissait, s'élevait comme s'élève une vague. Elle se confondait avec la jouissance, devenait jouissance elle-même.

Ils se mouvaient, entraînés tous les deux dans la cadence irréfléchie du stupre.


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