Le "baouab"
Bab, c'est la porte, et baouab, le portier. Assis devant la porte, le baouab garde la maison ou l'immeuble. Son principal outil est un siège. Le banc de jadis s'est transformé en chaise et souvent en fauteuil.
Un baouab n'est pas assis n'importe comment. Il a une manière bien particulière de glisser une jambe sous lui, en tailleur, ou de s'étaler, ventre en avant, presque couché. Contemplatif, on le verra égrener sa sebha (chapelet), ou taquiner ses orteils.
Il se lève régulièrement pour remplier diverses tâches dans les étages. Jeune et débrouillard, il en ajoutera d'autres : jardinier, gardien de parking, agent immobilier, parfois même employeur, sous-traitant certaines de ses activités. Mais il revient tôt ou tard à l'essentiel : à son siège, usé, culotté comme une pipe. De ce poste, le baouab voit tout, sait tout. Même les gens de l'immeuble se sentent surveillés.
Le baouab observe les mouvements de la rue, renseigne les passants, mais aussi la police, fume, médite, jusque tard dans la nuit. Souvent, il loge sur place, dans quelque réduit. Grâce à lui, un immeuble est toujours habité.
La mobilité professionnelle n'est guère prisée dans ce métier. Un bon baouab vieillit sur son siège. Pas de retraite non plus : un vrai baouab meurt assis.
Le métier est moins solitaire qu'il n'y paraît. Le baouab est en contact permanent avec ses homologues des immeubles voisins. Il n'hésite pas à faire appel à eux pour déplacer un meuble trop lourd. Souvent les sièges se rapprochent, les soirs d'été, et l'on échange à perte de vue des propos définitifs sur les heures qui passent.
Cet ange gardien est le gardien du temps.
Robert Solé
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