Joyce Mansour
LE PRIE-DIEU
Un pigeon assis sur un sein en acajou
Méditait
Son bec effacé par un vent maléfique
Ses ailes pendues autour de son cou
Il méditait
Le sein se réveilla et mangea l'oiseau pensif
Malgré la puissance du regard de l'oiseau
Bien que le sein n'eût pas très faim
Malgré la méditation
Du pigeon
Il y a une vieille sur la route
Fatiguée poussiéreuse
Trébuchant entre l'âne et la fadeur
De l'ombre
Il y a les vagues vertes qui voguent dans le bleu
Et la mer
Il y a des pendus dans les vignes
Des grillons qui s'éternisent sur la terre doucement bossue
Des enfants dans les oliviers nains
Il y a des paysans aux yeux chassieux
Des algues et la succion de la boue quand le soleil se retire
La nuit s'étend sur la mer les falaises le maquis
Et la vieille en noir dans le noir sans paroles inutiles
Dort sur son âne l’œil éteint les bras croisés
Image de paix et de plainte
L'odeur de la justice
L'odeur de la patience surhumaine
Des bêtes rayées derrière les barreaux
De la chance
L'odeur de la peur
L'odeur des excréments qu'on étend sur les tombeaux
Des pauvres gens
La ménagerie de la police
La cruauté des enfants
Et cette odeur complexe qu'est la liberté
Mélange d'ammoniaque
De mélasse
Et de transpiration
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