Abyssinie

 

Nikolaï Goumilev, étudiant au lycée de Tsarskoïe Selo.

Entre la côte de la violente mer Rouge

Et la mystérieuse forêt soudanaise,

Dispersé sur quatre plateaux,

Il est là, ce pays semblable à la lionne au repos.


Le nord est fait de marécages sans fond et sans fin,

Les noirs serpents gardent leurs abords,

Leurs sœurs, les fièvres, sont un troupeau menaçant,

Un visage jaune demeure ici.


Au-dessus d’eux, les montagnes sombres les toisent,

C’est la demeure séculaire des brigands, le Tigré,

Là où les abîmes sont entrouverts, où Borée souffle sans cesse

Sur les pics couverts de neige d’argent.


Dans le fertile Amhara, on sème, on taille,

Les zèbres aiment se confondre avec les troupeaux domestiques,

Et le soir, lorsque les vents frais soufflent,

S’élèvent les sons de chansons gutturales et le murmure des cordes.


Sous les platanes un sage parle de Dieu,

Saisissant soudain l’attention de la foule d’un vers harmonieux,

Et les peintres peignent le roi Salomon

Entre la reine de Saba et le lion caressant.


En Choa, les guerriers sont rusés, cruels et grossiers,

Ils fument la pipe et boivent le tedj enivrant,

Ils aiment écouter des tambours et des trompettes,

Huiler le pistolet et affuter les sabres.


Partout, sur les hauteurs, dans les vallées, des caravanes,

Elles voient le soleil et boivent les étendues infinies,

Elles vont dans des pays jusqu’alors inconnus,

Pour l’ivoire des éléphants et l’or des montagnes.


Strophes choisies du poème Abyssinia (1918) de Nikolaï Goumilev



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