Maaza Mengiste
Haïlé Sélassié est assis en silence à son bureau. Nous sommes le 2 septembre 1935 et les premiers rubans de nuit s'insinuent dans le jour. Il occupe son fauteuil favori, les mains crispées sur les accoudoirs, une pile de télégrammes ouverts devant lui. Les rapports n'ont pas changé : l'Ethiopie est au bord du conflit ; les menaces italiennes se font plus stridentes. La saison des pluies est terminée,et l'assèchement des pistes va sûrement amener les envahisseurs fascistes. Que compte faire Sa Majesté ? Ravitaillement nécessaire. Port de Massoua rempli de navires italiens. Troupes massées à Asmara, prêtes à attaquer nos frontières.
Haïlé Sélassié est en sueur. Le haut plafond s'abaisse, le sol se soulève. Addis-Abeba est en ébullition, et ses sujets se pressent dans les églises. Il devrait être en train de prier. Il devrait être avec ses ministres. Il devrait être avec sa famille.
(…) Ce sont les actualités du mois dernier. Elles ne révéleront rien d'imprévu : des soldats italiens font voile vers l'Erythré. Mussolini proclame son droit de coloniser l'Ethiopie. Les soldats de l'empereur ne sont que des paysans armés de pétoires. L'Italie est mieux équipée. L'Italie a des avions. L'Italie a l'accord tacite de la Société des Nations, sous la forme d'un silence passif. Tout cela l'empereur le sait.
Le roi fantôme
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