Nega Mezlekla
A l'école, nous n'avions pas de professeurs, mais du beau matériel offert par la Suède. Il y avait un gardien dont le mandat consistait à empêcher le vol. Au bout de quelques mois pourtant, il devint clair que quelqu'un nous volait : les armoires, en effet, se dégarnissaient. Avant la fin de l'année, les bouteilles, les vases à bec et les éprouvettes -même les tabourets- avaient tous disparu. Il ne restait que les tables, et encore uniquement parce qu'elles étaient ancrées au plancher de béton.
Ce n'est que plus tard que nous apprîmes que l'inactivité du laboratoire (due au manque de professeur de chimie) plongeait notre gardien dans la détresse. Consterné à l'idée que de nombreux objet précieux soient enfermés sans avoir été jamais utilisés, il prit donc sur lui, en homme avisé, de redistribuer, de façon qu'ils puissent servir à quelque chose. A condition qu'il ne quitte pas le pays, raisonna-t-il, le matériel servira à ses fins légitimes et profitera aux habitants de Jijiga.
Bientôt, les marchés regorgèrent de cylindres gradués, de tubes à essai, de cornues, de bouteilles à large embouchure de tailles diverses, de burettes, de pipettes, de capsules d'évaporation et de brûleurs à incandescence. C'étaient les bouteilles de grande taille qui se vendaient le mieux. Venaient ensuite les cylindres gradués, les acheteurs ayant compris qu'ils pourraient mesurer avec précision leur consommation d'alcool d'arake.
Ce furent les salons de thé de la ville qui bénéficièrent le plus de la manne. Les tabourets aux pattes surélevées et leurs coussins confortables attirèrent force clients. Les salons de thé affirmaient leur caractère unique en servant des boissons filtrées dans entonnoirs de labo, servies dans des cornues à moitié pleines. On présentait le sucre dans des capsules d'évaporation et le lait, dans des éprouvettes.
Dans le ventre d'une hyène
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