Celui qui vit de ses souvenirs


 

Celui qui vit de ses souvenirs

ne mange rien de frais

pourquoi battre le rappel

de l’enfance rose, noire

ou couverte de bleus

Ah le temps joyeux

des découvertes terrifiantes

quand le garçon devient garçon

et que la fille devient garce

la nostalgie des parents gaullistes

puis pompidoliens et saint-tropéziens

et Kennedy qui venait mourir

comme un cheveu sur la soupe

pourquoi se souvenir de Gagarine

interviewé par Léon Zitrone

et des premiers draps tachés

qui ajoutent de la honte à la honte

les craies, les encriers, les porte-plumes

pour écrire penché en se tenant droit

des mains moites, le regard hautain,

distribuaient les hosties microbiennes

dans des églises abandonnées de dieux

mais habitées de courants d’air

je voudrais tant avoir tout oublié

rien de tout cela ne m’a construit

c’est sur des ruines que j’ai bâti

la petite maison que j’habite

des ruines qui fument encore le soir

quand il ne fait pas bon se souvenir


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