Ibrahim Al-Koni
Né dans le désert Libyen, de culture touareg, il n'apprend à écrire l'arabe qu'à l'âge de 12 ans. En 1970, il quitte la Libye pour l'Union Soviétique où il entreprend des études d'histoire et de journalisme à l'Institut de littérature Maxime-Gorki (1977) avant de s'installer en Pologne. Il devient journaliste à Varsovie avant de travailler à l'ambassade de Libye, à Moscou. En 1993, il s'installe en Suisse.
Machinalement, il glissa sa main dans sa poche et en retira quelque chose de visqueux, de remuant, de repoussant. Un serpent enroulé sur lui-même ! Il le rejeta violemment en faisant un grand bond et s'enfuit à toutes jambes à travers les nudités, courant pieds nus sur un sol jonché de pierres coupantes, sans se défaire de l'idée que l'affreuse bête qui le poursuivait était le destin en personne.
Comme il se retournait pour regarder en arrière, il vit que l'animal rampait à ses pieds avec ses mâchoires béantes, barrées de deux crochets avides. Il bondit pour le distancer avant de s'apercevoir que les pierres n'étaient pas des pierres mais autant de serpents qui faisaient frissonner leur queue et ouvraient leurs gueules voraces pour lui siffler dans les oreilles.
Le désespoir l'envahit. Il défaillit aussitôt, trébucha et s'écroula sur l'aire grouillante de reptiles. Il se sentait en proie à une immense fatigue. Mais ce n'était pas de la fatigue. C'était de l'impuissance. Les serpents le rattrapèrent et le cernèrent de toutes parts. Sans savoir pourquoi, il commença à s'interroger sur leur compte, sur leur véritable nature, sur l'espèce même. C'était bien elle, la petite futée qu'il avait tirée de sa poche au commencement, qui se frottait à présent les mains au-dessus en lui disant d'une voix qu'il entendait distinctement :
« Je n'en veux qu'à ton talon. Tu es fait, toi, pour m'écraser la tête avec ton talon et je suis faite, moi, pour le mordre. »
Comme un appel du lointain
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