Jours tranquilles à Tripoli

 

Les squatteurs de Bab al-Aziziya

Djellaba beige et barbe grise, Moustapha m’émeut. Assis devant sa maison, au milieu d’un tas de ferraille, ses yeux d’un vert gris offrent un regard vague, triste et en même temps perçant. Il s’est installé ici il y a quatre mois.

Ici, c’est Bab Al-Aziziya, l’ancien quartier général de Mouammar Kadhafi. Il y a encore 16 mois, aucun Libyen ne pouvait y entrer sans invitation du Guide. En fait, très peu de Libyens souhaitaient y pénétrer. Passer sur la route qui longeait le haut mur de Bab Al-Aziziya était déjà un acte de courage : il se dit qu’avoir une simple panne de voiture à ce niveau pouvait coûter très cher. Les gardes étaient réputés pour avoir la gâchette facile.

Mais Kadhafi est mort, laissant derrière lui ce vaste espace où l’on trouve des maisons de gardes, les villas de ses proches et la sienne, reconstruite non loin des ruines de son ancienne demeure bombardée par les Américains en 1986.

Les combats, puis l’entrée des révolutionnaires en août 2011, ont mis à mal certains bâtiments qui menacent de s’effondrer. Les hauts murs ont été détruits, les maisons pillées. Même la faïence de la piscine du Guide et le marbre qui recouvrait sa maison ont été pris. Chacun voulait garder un souvenir du faste déchu du dictateur. Les souterrains, qui ont probablement permis à Kadhafi de s’exfiltrer de la capitale à l’été 2011, sont aujourd’hui le terrain de jeu de bandes de jeunes et de dealers.

Les bâtisses qui ont tenu le coup ont été prises d’assaut par des familles pauvres, dont celle de Moustapha. Avec une retraite de major de l’armée de quelque 800 dinars libyens ou LYD (476 €), le père de famille n’a pas les moyens de payer un loyer. Comme beaucoup de ses voisins, c’est par le bouche-à-oreille que Moustapha a appris que des maisons étaient libres ici. Il fait un repérage. Ni une, ni deux, il décide de s’installer avec ses quatre enfants. Dans cette guérite de soldat, il a aménagé trois pièces. Il a également installé l’eau courante et l’électricité avec les moyens du bord. Des câbles rafistolés rejoignent, un peu plus loin, un poteau électrique. Pour améliorer ses fins de mois, il amasse de la ferraille qu’il tente de vendre.

« Je vais rester ici, jusqu’à ce que le gouvernement fasse quelque chose. Je suis ici chez moi. Kadhafi avait confisqué cet endroit. En tant que Libyen, je me le réapproprie. »

Maryline, Tripoli, 19 juin 2012




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