Ibrahim Al Koni

 

Le lendemain il entendit l'incroyable.

Il ne l'entendit pas directement de sa bouche, mais il le lui envoya avec son messager. Le même berger enjoué à la bouche édentée. Il s'assit pour mélanger le thé du crépuscule et dit avec l'idiotie des bergers : « Il te rendra ton chameau tacheté, à condition que tu répudies ta femme, sa parente. »

Comme ça, sans décence, sans détour. Le berger ne se donna pas la peine de biaiser. Oukhayyed ne pensait pas qu'il était idiot à ce point.

D'abord il ne saisit pas. Le berger lui répéta la condition de son maître une deuxième et troisième fois. Oukhayyed dit, après un long silence :

• Quel rapport entre ceci et cela ?

• S'il a posé une condition, c'est qu'il doit y avoir un rapport. Dieu seul connaît les secrets de l'étranger.

• Est-ce qu'un musulman pose une condition qui est la plus odieuse à la Loi ?

• S'il y a une raison, alors il n'y a de place ni pour l'islam ni pour la Loi.

• Si j'avais mon fusil sur moi, il n'aurait pas osé me poser ces conditions.

• Même si tu avais ton fusil entre les mains, tu ne ferais rien. Il est armé de sentinelles et, grâce à son or, il a fait venir serviteurs, domesticité nombreuse, esclaves et bergers. Il est plus fort que toi tant que le tacheté est entre ses mains.

Oukhayyed n'avala pas son thé. Il laissa le verre plein enfoncé dans le sable. Le berger dit :

• En fait, il m'a annoncé une autre chose que je n'ai pas trouvé nécessaire de te dire.

Oukhayyed l'encouragea :

• Tu peux parler, rien ne m'étonnera autant que la condition qu'il me pose.

• De l'étranger vient toujours l'étrange. Ne sois donc pas étonné. Il veut l'épouser selon la Loi de Dieu et de Son Prophète.

• Mais j'aime ma femme !

• Lui aussi l'aime. C'est ce qu'il a dit. Et quand on est parent, c'est encore mieux. Il t'a acheté le jour où tu lui as donné ton tacheté en gage. Quant à ta femme, il te la reprend, il la récupère. Il lui est plus proche. Les liens de sang. Il n'y a rien là qui puisse courroucer Dieu et les hommes.

Poussière d'or