Kamal Ben Hameda
Sauf pour de brèves injonctions, il ne parlait pas, jamais de lui-même ou de son passé ; il n'exprimait rien de ses sentiments, de ses idées, de ses désirs ou de sa solitude. En dehors du temps de prière où il récitait les versets coraniques appris par cœur, on n'entendait pas la voix de mon père.
A la maison, il ne quittait jamais sa chambre, dont l'accès était interdit aux enfants, sauf pour aller à la chambre de repos faire ses ablutions. Pour manger, il était servi à part, à une table. Nous, les enfants, nous mangions avec notre mère à la cuisine autour du même plat assis sur un tazir, une simple natte de paille posée par terre. S'il avait besoin de quelque chose, il appelait brièvement ma mère, sinon il se cantonnait dans sa solitude et sa prière.
Le silence de mon père me frustrait et la parole des autres hommes m'ennuyait, me terrorisait : c'était une parole codifiée qui ne laissait de place ni à l'improvisation, ni à la spontanéité, ni au rire.
Quant aux garçons dans la rue, ils étaient le reflet de leurs pères, mais en plus, ils jouaient aux durs et aux méchants ; ils faisaient ceux qui sonr au-delà des sentiments.
Les mémoires de l'absent
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