La volonté de vivre – Poème d’Abou El Kacem Chebbi
Ces premiers vers font désormais partie de l'hymne national tunisien depuis la révolution.
La volonté de vivre
Lorsqu’un
jour le peuple veut vivre,
Force est pour le Destin, de
répondre,
Force est pour les ténèbres de se dissiper,
Force
est pour les chaînes de se briser.
Avec fracas, le vent souffle
dans les ravins,
au sommet des montagnes et sous les arbres
« Lorsque
je tends vers un but,
je
me fais porter par l’espoir
et
oublie toute prudence ;
Je
n’évite pas les chemins escarpés
et
n’appréhende pas la chute
dans
un feu brûlant.
Qui
n’aime pas gravir la montagne,
vivra
éternellement au fond des vallées ».
Je
sens bouillonner dans mon cœur
Le sang de la jeunesse
Des
vents nouveaux se lèvent en moi
Je me mets à écouter leur
chant
A écouter le tonnerre qui gronde
La pluie qui tombe et
la symphonie des vents.
Et
lorsque je demande à la Terre :
« Mère,
détestes-tu les hommes ? »
Elle
me répond :
« Je
bénis les ambitieux
et
ceux qui aiment affronter les dangers.
Je
maudis ceux qui ne s’adaptent pas
aux
aléas du temps et se contentent de mener
une
vie morne, comme les pierres.
Le
monde est vivant.
Il
aime la vie et méprise les morts,
aussi
fameux qu’ils soient.
Le
ciel ne garde pas, en son sein,
Les
oiseaux morts
et
les abeilles ne butinent pas
les
fleurs fanées.
N’eût
été ma tendresse maternelle,
les
tombeaux n’auraient pas gardé leurs morts ».
Par
une nuit d’automne,
Lourde de chagrin et d’inquiétude,
Grisé
par l’éclat des étoiles,
Je saoule la tristesse de mes
chants,
Je demande à l’obscurité :
« La
vie rend-elle à celui qu’elle fane
le
printemps de son âge ? «
La
nuit reste silencieuse.
Les nymphes de l’aube taisent leur
chant.
Mais la forêt me répond d’une voix
aussi douce que
les vibrations d’une corde :
»
Vienne l’hiver, l’hiver de la brume,
l’hiver
des neiges, l’hiver des pluies.
S’éteint
l’enchantement,
Enchantement
des branches
des
fleurs, des fruits,
Enchantement
du ciel serein et doux,
Enchantement
exquis des prairies parfumées.
Les
branches tombent avec leurs feuilles,
tombent
aussi les fleurs de la belle saison.
Tout
disparaît comme un rêve merveilleux
qui
brille, un instant, dans une âme,
puis
s’évanouit.
Mais
restent les graines.
Elles
conservent en elles le trésor
d’une
belle vie disparue… »
La
vie se fait
Et se défait
Puis recommence.
Le rêve des
semences émerge de la nuit,
Enveloppé de la lueur obscure de
l’aurore,
Elles demandent :
« Où
est la brume matinale ?
Où
est le soir magique ?
Où
est le clair de lune ?
Où
sont les rayons de la lune et la vie ?
Où
est la vie à laquelle j’aspire ?
J’ai
désiré la lumière au-dessus des branches.
J’ai
désiré l’ombre sous les arbres »
Il
dit aux semences :
« La
vie vous est donnée.
Et
vous vivrez éternellement
par
la descendance qui vous survivra.
La
lumière pourra vous bénir,
accueillez
la fertilité de la vie.
Celui
qui dans ses rêves adore la lumière,
la
lumière le bénira là où il va. »
En
un moment pas plus long
qu’un battement d’ailes,
Leur désir
s’accroît et triomphe.
Elles soulèvent la terre qui pèse sur
elles
Et une belle végétation surgit pour contempler la beauté
de la création.
La
lumière est dans mon cœur et mon âme,
Pourquoi aurais-je peur
de marcher dans l’obscurité ?
Je voudrais ne jamais être venu
en ce monde
Et n’avoir jamais nagé parmi les étoiles.
Je
voudrais que l’aube n’ait jamais embrassé mes rêves
Et que
la lumière n’ait jamais caressé mes yeux.
Je voudrais n’avoir
jamais cessé d’être ce que j’étais,
Une lumière libre
répandue sur toute l’existence.
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