Légende de Tunisie
L'éclipse
Depuis la nuit des temps, le nord-ouest du pays était connu pour ses vastes plaines où les champs de blé et d’orge s’étendaient à perte de vue. Le sol était fertile, mais les gens de la région savaient à quel point ils étaient dépendants du ciel, où la pluie donnait vie à leurs semences et le soleil se chargeait d’en mûrir les épis. Deux éléments vitaux pour une bonne récolte, que les gens, au fil du temps, se mirent à adorer. Puis, peu à peu, ils penchèrent vers la pluie et négligèrent le soleil. Ils avaient pris pour habitude d’implorer le ciel lorsque la pluie tardait à tomber, ou se faisait rare. En revanche, ils ne montraient aucun signe de satisfaction lorsque le soleil les illuminait, comme si c’était une simple formalité. Le soleil se fâcha. Et un jour, il refusa de poindre. Il s’éclipsa et resta à l’ombre d’un énorme voile noir qui empêchait sa lumière d’éclairer le monde. Restés dans le noir, les gens avaient du mal à effectuer leurs tâches quotidiennes ou même à trouver leur chemin. Et bientôt un vent de panique s’empara d’eux, lorsqu’ils constatèrent que l’éclipse perdurait. Comment accomplir leur devoir religieux, travailler leurs terres, enterrer leurs morts alors qu’ils ne distinguaient plus le jour de la nuit ? Ils se mirent à invoquer Dieu, à promettre des dons, à regretter leur indifférence à l’égard du soleil. Rien n’y fit. Ce dernier persistait dans son refus. Puis, las d’errer dans l’obscurité, ils se mirent à crier leur désespoir, à taper fort sur tout ce qui pouvait donner une résonance, créant ainsi un bruit assourdissant qui se propagea aux alentours et s’éleva au ciel. Sentant qu’il les avait assez châtiés, le soleil finit par retirer le voile et sa lumière réapparut. Depuis, les gens ont appris à lui témoigner leur reconnaissance, et chaque fois qu’il s’éclipse suite à un égarement, ils se précipitent vers les tambours, les mortiers et même les ustensiles de cuisine, tapant et criant fort pour l’en dissuader.
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